L’application StopCovid soumise à une obligation de résultats sur le terrain

Alors que les deux chambres du Parlement sont appelées à se prononcer sur le déploiement de l’application de traçage des contacts StopCovid, un comité de contrôle vient de se former pour suivre la mise en place de l’application et évaluer son utilité réelle. 

Et de trois. Le “comité de contrôle et de liaison covid19” vient officiellement de se former. Les membres de ce nouveau groupe ont été nommés par un arrêté publié ce mercredi au Journal officiel. Depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement Philippe avait déjà installé deux groupes de spécialistes pour éclairer ses décisions. Le premier, le Conseil scientifique, s’en tenait à la lutte contre l’épidémie quand le second avait plutôt pour mission de réfléchir au déconfinement et aux outils numériques le permettant. 

Créé par les parlementaires dans le cadre de la loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire, ce troisième comité de spécialistes, qui exercent à titre bénévole, a pour but “d’associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre la propagation de l’épidémie par suivi des contacts ainsi qu’au déploiement des systèmes d’information prévus à cet effet”, selon cette même loi. Il est ici fait implicitement référence aux fichiers informatiques Contact Covid et SI-DEP créés pour simplifier le travail des enquêteurs sanitaires chargés de retracer l’historique des contacts d’une personne contaminée. Mais aussi à l’application StopCovid qui, si elle est approuvée par le Parlement ce mercredi, viendra s’articuler avec ces deux bases de données. 

Secret médical et protection des données

Le nouveau comité, rattaché au ministère de la Santé et à sa Direction générale de la Santé, a donc pour mission “d’évaluer, grâce aux retours d’expérience des équipes sanitaires de terrain, l’apport réel des outils numériques à leur action, et de déterminer s’ils sont, ou pas, de nature à faire une différence significative dans le traitement de l’épidémie” et de “vérifier tout au long de ces opérations le respect des garanties entourant le secret médical et la protection des données personnelles.” 

Il réunit principalement des acteurs du monde de la santé : représentants des usagers du système de santé à travers France Assos Santé, de la Société française de santé publique ou encore du Conseil national de l’Ordre des médecins. La présidente du Conseil national du numérique, Salwa Toko, complète ce panel en y apportant une touche de numérique. Et c’est Emmanuel Rusch, président de la commission spécialisée sur les droits des usagers de la Conférence nationale de santé, qui prend la présidence du comité de contrôle. Deux députés et deux sénateurs doivent encore compléter ce panel, mais leur nom n’est pas connu. 

Obligation d’efficacité

Si les comités en tous genres se succèdent pour gérer la crise du Covid-19, celui-ci n’en jouera pas moins un rôle crucial, qui est celui d’évaluer la pertinence même de l’application au regard de la politique sanitaire. Pour respecter le principe de proportionnalité du dispositif entre l’atteinte à la vie privée et le motif légitime de protection de la santé, la collecte des données opérée par StopCovid doit se limiter au strict nécessaire, rappelait en effet la la Cnil dans son premier avis rendu sur le projet, daté du 24 avril. “Cette garantie fondamentale implique en l’espèce que la collecte et le traitement de données opérés par l’application revêtent un caractère temporaire, d’une durée limitée à celle de l’utilité du dispositif au regard des finalités précédemment décrites. Elle implique également que toutes les données soient supprimées dès le moment où l’utilité de l’application ne sera plus avérée”, expliquait le gendarme des données personnelles.

Autrement dit, la Commission met en garde le gouvernement : l’application devra être suspendue dès lors qu’il sera démontré qu’elle ne participe pas efficacement à la lutte contre la propagation de l’épidémie. Préoccupation qu’elle a réitérée dans son avis final du 25 mai. Quand bien même l’utilité de l’application est suffisamment démontrée a priori pour justifier son déploiement, la Cnil exige que “l’impact effectif du dispositif sur la stratégie sanitaire globale soit [...] étudié et documenté de manière régulière pendant toute la période d’utilisation de celui-ci, afin de s’assurer de son utilité au cours du temps”, et ainsi de justifier l’atteinte à la vie privée à laquelle procèdent l’application, mais aussi les fichiers Contacts Covid et SI-DEP.

Pas d’évaluation citoyenne 

Les travaux du comité ne serviront donc pas seulement à évaluer les performances d’un outil numérique au service d’une politique publique, mais à déterminer le sort de cet outil numérique, dont l’existence même repose sur une promesse de résultats. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains parlementaires avaient souhaité faire de ce comité un véritable organe d’évaluation citoyenne.

Le groupe Écologie Démocratie Solidarité (EDS), fraîchement créé à l’Assemblée nationale et parmi lequel siègent certains des anciens députés LREM hostiles au projet, a d’ailleurs rappelé ce matin dans un communiqué son souhait d’aller plus loin dans cette voie en impliquant des experts, certes, mais aussi des représentants de la société civile et des citoyens tirés au sort, et de leur confier le pouvoir, “en cas de dérives manifestes”, de suspendre la mise en œuvre de StopCovid.

Si le gouvernement obtient le feu vert du Parlement, il n’aura donc franchi qu’une première étape, certes décisive, dans le déploiement de l’application. Encore faudra-t-il que celle-ci soit adoptée par un très grand nombre de personnes, pour que son utilité théorique se traduise effectivement sur le terrain. 

Émile Marzolf

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