Comment la loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire cadre le travail des brigades sanitaires

La loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet est finalement entrée en action ce mardi 12 mai, après avoir obtenu le feu vert du Conseil constitutionnel. Elle prévoit notamment la création d’un nouveau système informatique pour faciliter le travail des enquêteurs sanitaires chargés de retracer les contacts qu’a pu avoir une personne contaminée par le Covid-19.

Un difficile équilibre entre respect de la vie privée et protection de la santé. Après un couac, la loi prorogeant l’état d'urgence sanitaire a bien été promulguée hier, mardi 12 mai, au lendemain du déconfinement. La loi devait en effet obtenir le feu vert du Conseil constitutionnel, qui a d’ailleurs censuré certaines de ses dispositions. C’est notamment le cas d’une partie des mesures prévoyant la mise en place d’un traçage des malades et de leurs contacts afin de prévenir, tester et éventuellement isoler les personnes détectées positives et ainsi freiner la propagation du virus.

Tout en soulignant l’objectif poursuivi de protection de la santé, les sages ont relevé que le dispositif tel qu’envisagé portait atteinte au droit au respect de la vie privée, en autorisant “le traitement et le partage, sans le consentement des intéressés, de données à caractère personnel relatives à la santé des personnes atteintes par la maladie du Covid-19 et des personnes en contact avec elles, dans le cadre d’un système d’information ad hoc ainsi que dans le cadre d’une adaptation des systèmes d’information relatifs aux données de santé déjà existants”.

Ainsi, les coordonnées téléphoniques et Internet des personnes ne pourront finalement pas être transmises dans le cadre du partage des informations issues du nouveau système d’information avec des tiers aux fins de recherche et de surveillance épidémiologique sur le Covid-19. Le texte adopté par le Parlement ne prévoyait que d’occulter les données les plus sensibles. À savoir les noms, prénoms, adresses et numéros d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques. 

Deux nouveaux fichiers informatiques 

Par ailleurs, les sages de la Rue de Montpensier ont écarté les acteurs de l’accompagnement social comme les centres communaux d’action sociale (CCAS) du champ déjà “particulièrement étendu” des tiers pouvant avoir accès à ces informations de manière automatique. Bien que cette extension soit “rendue nécessaire par la masse des démarches à entreprendre pour organiser la collecte des informations nécessaires à la lutte contre le développement de l’épidémie”, les membres du Conseil constitutionnel considèrent en effet que rien ne saurait justifier la communication desdites informations sans le consentement des intéressés. 

La loi autorise donc la création, par un décret publié ce mercredi, de ce nouveau système d’information, qui reposera sur deux fichiers informatiques destinés à collecter les informations sur les personnes contaminées et leurs contacts, comme l’a annoncé le ministre de la Santé, Olivier Véran, le 2 mai. D’abord, le fichier Sidep (pour “service intégré de dépistage et de prévention”) servira à recenser les malades, avec leurs coordonnées, pour qu’ils puissent être contactés par les enquêteurs chargés de déterminer les contacts étroits que les malades auront pu avoir. C’est ce travail de recensement des personnes susceptibles d’être infectées qui alimentera le second fichier, Contact Covid, auquel aura accès un ensemble plus large d’acteurs.

Pas de connexion avec la future application StopCovid

Pour gonfler les rangs des brigades d’enquêteurs sanitaires, le gouvernement a en effet souhaité permettre, exceptionnellement, à de nouveaux acteurs de procéder à l’identification des contacts. Et donc leur accorder un accès au fameux système d’information. Le gros des forces sera fourni par l’assurance maladie, mais le gouvernement se réservait la possibilité de piocher dans les personnels des CCAS ou parmi ceux de la Croix-Rouge si ce premier vivier d’enquêteurs ne suffisait pas à suivre le rythme de propagation du virus. C’est notamment ce pourquoi le Conseil constitutionnel avait été saisi par les sénateurs et les députés, alarmés par l’“ampleur inédite” de la collecte de données personnelles envisagée et l’étendue des acteurs pouvant y avoir accès. 

Le texte prévoit également que les données collectées puissent être partagées avec les agences régionales de santé (ARS) et d’autres organismes de santé ou de recherche, comme le Health Data Hub, afin d’améliorer le suivi de l’épidémie et de faire avancer la science.

Au gré de la navette parlementaire, le texte initialement proposé par le gouvernement avait ainsi été enrichi de mesures de protection supplémentaires, avec une confidentialité renforcée des données. Les parlementaires ont par ailleurs obtenu que les deux fichiers Sidep et Contact Covid ne puissent pas être connectés, pour l’heure, avec la future application mobile StopCovid, qui doit, elle aussi, permettre d’identifier les cas suspects. Une manière de s‘assurer que la loi d’urgence ne serve pas de base légale à l’application et surtout de ne pas court-circuiter le débat, très attendu par les parlementaires, qui doit être organisé spécifiquement sur StopCovid dans la semaine du 25 mai.

Émile Marzolf

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