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Nathalie Marcerou-Ramel : “Les écoles du service public ont des arguments forts à mettre en avant”

La présidente du Réseau des écoles de service public (Resp), dont les établissements seront présents au Salon de l’étudiant le 8 octobre, souligne leurs atouts, à l’heure d’une perte d’attractivité du service public. Nathalie Marcerou-Ramel observe la progression des profils de lauréats en reconversion professionnelle et souligne l’importance des travaux du gouvernement pour rénover les concours et leurs épreuves. Selon elle, le “bon candidat” possède des qualités de leadership et un goût pour le service public. 

Le constat d’une fonction publique en perte d’attractivité est formulé depuis quelque temps déjà. Quels sont les arguments à mettre en avant lors d‘un événement tel que le Salon de l’étudiant ?
Tout d’abord, il convient de nuancer : ce constat d’un service public en perte d’attractivité est effectif, mais pas univoque. Il varie selon les métiers et les concours, dont certains restent – une enquête conduite par le Réseau des écoles de service public (Resp) en 2023 l’a confirmé – très attractifs et sélectifs. Mais les données générales relatives aux concours du service public ou spécifiques à quelques concours signalent, sur le temps long (vingt ans), une baisse du nombre de candidats. Elles ont alerté le Resp, qui s’est engagé dans une réflexion, en lançant cette enquête au sein de ses membres, puis en créant un groupe de travail qui prépare des propositions pour la fin de l’année 2023 : il est piloté par Cécile Parent-Nutte, directrice de l’institut régional d’administration (IRA) de Lille, et Frédéric Phaure, directeur de l’École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ). Nous sommes d’ailleurs en phase avec la réflexion lancée par le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques [Stanislas Guerini, ndlr] en matière d’attractivité du service public et son programme “Fonction publique +”. Nous estimons que les écoles du service public ont des arguments forts à mettre en avant et c’est ce que nous avons décidé de faire, collectivement, lors du Salon de l’étudiant des grandes écoles d’octobre 2023, en proposant un stand sur lequel 25 écoles membres du Resp viendront présenter les métiers auxquels elles préparent et les valeurs du service public qu’elles portent : le sens de l’intérêt général, la volonté d’accompagner les grandes transitions auxquelles la société doit faire face – transitions écologique et numérique, lutte contre la précarité –, un modèle pédagogique professionnalisant, ouvrant à un exercice immédiat de responsabilités importantes et à des postes favorisant l’autonomie et l’action.

Nos réunions de rentrée le prouvent, les profils de lauréats en reconversion professionnelle sont fréquents, en provenance du secteur privé comme du secteur public.

Les trajectoires professionnelles ne sont plus rectilignes. Quelles sont les perspectives et les opportunités qui s’offrent à celle ou celui qui entre dans la fonction publique ?
L’idée selon laquelle on entrerait dans la fonction publique pour y accomplir la même tâche pendant toute sa carrière est, largement et fort heureusement, un cliché ! Nos réunions de rentrée le prouvent, les profils de lauréats en reconversion professionnelle sont fréquents, en provenance du secteur privé comme du secteur public. Une fois en poste, le ou la fonctionnaire dispose de plusieurs moyens d’évoluer : la mutation, pour changer de fonctions, de missions ou de région ; le détachement, pour travailler dans un autre secteur, une autre fonction publique ou dans le secteur privé ; la disponibilité, pour mettre sa carrière de fonctionnaire en pause sans pour autant perdre ses acquis. Le secteur public offre de nombreux “filets de sécurité” pour tenter d’autres expériences professionnelles. Par ailleurs, il accompagne les évolutions professionnelles par la formation tout au long de la vie : une offre de formation qui couvre la totalité des métiers, des possibilités de congé formation ou de congés de transition professionnelle pour se former en vue d’exercer un nouveau métier. 

La simplification devra préserver le socle que constitue l’égalité d’accès aux concours et aux emplois du service public.

Ne manque-t-il pas de la lisibilité et de la simplicité pour expliquer les parcours, la rémunération, permettre des recrutements plus faciles ou plus rapides ? 
Le Resp partage ce constat, qui vaut également pour les concours, dont la mécanique peut s’avérer assez complexe pour les futurs candidats. Il faut cependant s’entendre sur le fait que les métiers du service public sont extrêmement variés – et c’est d’ailleurs une force du service public que de proposer une telle diversité de métiers : les parcours de formation, les carrières, les concours menant à ces parcours ne peuvent pas se réduire à un discours univoque. Mais cela ne signifie pas que rien ne doit être fait pour améliorer cette lisibilité. L’enquête récente menée par le Resp auprès de ses élèves en formation initiale a montré que les attendus des concours, de certaines épreuves, devaient notamment être précisés. Nous constatons également qu’il se passe trop de temps entre le moment où l’on s’inscrit à un concours du service public et celui où l’on entre en formation après avoir réussi ce concours : mais divers ministères, divers services sont impliqués dans le déroulement de ces concours, et travailler sur une harmonisation des pratiques n’est pas un sujet simple. Le Resp suit donc avec grand intérêt les travaux lancés par la Première ministre et le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques pour rénover les concours, en revoir les épreuves, en améliorer la lisibilité et la visibilité. Le Resp espère pouvoir contribuer à ce chantier majeur. La simplification devra cependant préserver le socle que constitue l’égalité d’accès aux concours et aux emplois du service public. Au-delà des concours, une information de plus en plus fiable est présentée sur les modalités de recrutement et les parcours possibles par le portail de la fonction publique, lequel renvoie vers les sites des différents ministères concernés et les écoles. La nécessité de se montrer plus attractif a entraîné un processus vertueux en matière de communication. 

Quelle place le management occupe-t-il aujourd’hui dans les écoles que vous représentez et dans votre formation ?
L’acquisition de compétences en matière de management d’équipes, de projets et d’accompagnement au changement est une constante dans les écoles du Resp, qui forment des cadres du service public appelés à prendre très rapidement de grandes responsabilités en matière d’encadrement. Elle représente environ un tiers des enseignements et travaux proposés aux élèves. Divers dispositifs pédagogiques, complémentaires, permettent également aux fonctionnaires stagiaires de travailler leur “posture managériale” : les stages, les projets collectifs, les échanges avec des conseils de professionnels ou des mentors, etc. Nos catalogues de formation continue accordent également une place importante aux formations en management car cette posture se travaille tout au long de la vie professionnelle. Le Resp réfléchit d’ailleurs de manière collégiale et constante à améliorer les compétences managériales de ses communautés professionnelles : chaque année, un séminaire des cadres, piloté par Emmanuelle Gidoin, directrice de l’École nationale des douanes, explore une question importante dans ce domaine. Les thématiques abordées par ce séminaire concernent la stratégie, la décision, les intelligences multiples, le sens de l’action, les paradoxes et changements, les valeurs du service public, la société inclusive, ou encore, en 2022, le sentiment d’imposture. 

Les qualités d’écoute, d’expression, le goût du travail en équipe, les capacités d’adaptation constituent des constantes dans les attentes des jurys.

Qu’attend-on d’un bon candidat aux écoles que vous représentez ? Une expertise autant que du “savoir-être” ? 
Question aussi difficile que déterminante ! Dans la plupart des cas, l’expertise “métier” ne constitue pas un prérequis dans les voies de concours externes, même si l’épreuve de motivation ou d’aptitude professionnelle, commune à la plupart des concours, investit parfois ce champ, peut-être à tort : il peut être difficile de se projeter dans un métier que l’on ne connaît pas encore. Pour ces voies de concours externes, l’expertise métier s’acquiert ou se développe durant la formation, à travers les enseignements, les mises en pratique, les stages. Chaque concours possède cependant ses prérequis universitaires, puisque nos écoles recrutent au niveau licence ou master. Le numérique pourrait également devenir un prérequis, avec des nuances selon les concours. Et comme vous le soulignez, il est attendu des candidats qu’ils disposent de ces soft skills, ou compétences comportementales, indispensables aux cadres. Les qualités d’écoute, d’expression, le goût du travail en équipe, les capacités d’adaptation constituent des constantes dans les attentes des jurys. Les candidats doivent affirmer leurs qualités de leadership et un goût pour le service public : ils doivent être capables d’en partager et d’en porter les valeurs, notamment celles de neutralité et de laïcité. 

Quid des enjeux d’égalité femmes-hommes ? Le secteur public est-il à la hauteur aujourd’hui ? 
Si l’égalité “parfaite” entre les femmes et les hommes n’est pas encore atteinte et qu’il peut exister des différences d’un métier à l’autre, le service public est probablement le secteur d’emploi dans lequel les lignes ont le plus bougé ces dernières années. Pour citer un propos d’Isabelle Richard, directrice de l’École des hautes études en santé publique (EHESP), “le plafond de verre y est moins épais qu’ailleurs”. Un protocole d’accord important a été signé en 2018, qui a notamment prévu d’améliorer les conditions d’un égal accès aux métiers et aux responsabilités professionnelles et de renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Les institutions publiques sont invitées à se doter de plans d’action en faveur de l’égalité professionnelle, de cellules de signalement des faits de VSS et à en évaluer régulièrement les effets. La dynamique engagée est très positive et nous le percevons au sein même du Resp, où le nombre de directrices à la tête d’écoles du service public ne cesse de progresser. Elle reste cependant à conforter : nous avons donc besoin de recruter des candidates et des candidats qui poursuivront dans cette voie et qui, plus généralement, continueront à rendre le service public plus accessible et plus divers. 

Propos recueillis par Sylvain Henry

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