Nous savons que des voix s’élèveront pour souligner le coût important de la souveraineté industrielle et numérique. Mais la souveraineté vaut le coup, toujours, tout le temps. Il s’agit de la renforcer en définissant des politiques publiques dotées d’agenda précis pour régénérer et élever des pans entiers d’autonomie stratégique.
Un exemple ?
La souveraineté technologique ne repose pas systématiquement sur des poussées disruptives, loin de là. En revanche, elle prend systémiquement appui sur l’excellence de la recherche. Or, les innovations issues de cette dernière transitent aujourd’hui de manière privilégiée par des véhicules de type « start-up recherche » qui, d’augmentation de capital en augmentation de capital, fonctionnent sans générer de revenus. De jeunes chercheurs brillants doivent se transformer en managers et en financiers, avec un succès variable. Le risque de captation du produit de la recherche par une souveraineté tierce s’en trouve accru, ainsi que les risques de constitution de monopoles technologiques.
Dans ces conditions, ne pourrait-on pas concevoir que la collectivité finance plus longuement l’effort de recherche ? Jusqu’à un niveau de maturité (TRL) 6 en échange d’un brevet automatique ? Les revenus de ces brevets seraient ensuite partagés entre les chercheurs et la collectivité. Cette dernière octroierait un droit d’usage universel des technologies concernées aux entreprises de droit national ou européen les utilisant sur son sol, sur la base d’une redevance inversement proportionnelle aux impôts payés par les entreprises utilisatrices. Une entreprise ne payant pas d’impôt significatif pourrait donc perdre l’accès aux innovations de la recherche publique.
La concurrence serait maintenue et même stimulée, les barrières à l’entrée liées aux captations de propriété intellectuelle réduites et la responsabilité fiscale des entreprises encouragée. In fine, une telle disposition encouragerait l’émergence d’une zone économique dans laquelle ceux qui participent ont un avantage, et dans laquelle les produits de la participation au marché (impôts, taxes, emplois, recherche, etc.) sont incités à rester dans la zone de souveraineté.
Emmanuel LEMPERT, vice-président affaires gouvernementales France, Afrique et Moyen-Orient de SAP.