Pour la troisième année consécutive, la France est première au classement de la Commission européenne mesurant le niveau de maturité des États membres en matière d’ouverture des données publiques. Cette position consacre les progrès accomplis depuis l’entrée, il y a dix ans, de notre pays dans le Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO), dont la vocation repose sur une idée socle : ouvrir les données de l’administration et encourager la participation citoyenne permet à tout un chacun de mieux s’insérer dans la fabrique des politiques publiques – en exprimant des préférences d’allocation budgétaire, en donnant son avis sur l’impact d’une mesure, en proposant des alternatives, etc.
Dans les faits, pourtant, il reste difficile de se montrer pleinement satisfait, insuffisamment de citoyens ou d’organisations de la société civile qui s’emparent de ces données pour prendre pied dans le débat démocratique. Certes, la participation citoyenne a fait des progrès notables. On se souvient du Grand débat national et, plus récemment, de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. En septembre 2023, le ministère du Renouveau démocratique a lancé Agora, une application proposant aux citoyens de donner leur avis et de questionner le Gouvernement. Chaque année, presque partout en France, les habitants sont sollicités lors de « budgets participatifs » locaux. Certaines de ces initiatives s’appuient directement sur le partage des données publiques, comme la fonctionnalité lancée en 2022 par la Cour des comptes qui permet à tout citoyen de se prononcer en matière de contrôle des dépenses.
Ne serait-il pas plus ambitieux d’ouvrir le spectre de la participation à des questions plus vives sur le « pourquoi ?
Pourquoi, dans ces conditions, les résultats restent-ils en demi-teinte ? Peut-être parce qu’il s’agit souvent d’exercices où l’ouverture des données ne sert guère qu’à enrichir des débats déjà prédominants sur le « comment ? », c’est-à-dire sur les techniques de mise en œuvre des politiques publiques. Ne serait-il pas plus ambitieux d’ouvrir le spectre de la participation à des questions plus vives sur le « pourquoi ? » et le « avec quelles conséquences ? ». Il est regrettable que rien de structurel ne soit pensé pour ouvrir largement le champ de la justification et de l’évaluation des politiques publiques.
En décembre 2021, Emmanuel Macron affirmait que « l’action des entreprises, des associations, des initiatives citoyennes, forme un service public augmenté, à l’intersection de deux bonnes volontés : celle de l’administration dont c’est le cœur de métier et celle de nos concitoyens qui ont tellement à apporter. » Voilà, en un raccourci saisissant, ce que pourrait être le « gouvernement ouvert ». Mais pour donner sa pleine mesure à ce « service public augmenté », il faut des mécanismes sérieux permettant à la société civile – par des groupements multi-acteurs, des partenariats public-privés, des forums citoyens, etc. – de collecter et valoriser les données de l’administration, et aussi de mettre à disposition leurs propres données. Car c’est en croisant les informations que l’on peut suivre et évaluer la mise en œuvre des politiques publiques. Certaines métropoles françaises et européennes s’y essaient depuis quelques années, notamment dans le cadre de leurs stratégies « zéro carbone ».
C’est par cette pratique de l’expérimentation que peut se bâtir une culture de la donnée mieux partagée et valorisée. Elle peut inspirer des politiques plus en contact avec le terrain, par une évaluation continue, ouverte et transparente de leur impact sur le quotidien des Français, la trésorerie des collectivités territoriales, la gestion de la dette publique par l’État, etc.
Associer la société civile à la fabrique, au suivi et à l’évaluation des politiques publiques, voilà l’un des grands chantiers de demain.