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Pascal Berteaud : “Changer la manière de produire l’action publique dans les territoires”

Pour le directeur général du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), si l’accompagnement des territoires est nécessaire pour favoriser les transitions durables, son “appropriation par les acteurs eux-mêmes est un véritable enjeu” également. Le Cerema intervient non pas “pour” mais “avec” les collectivités, souligne-t-il.

Les questions énergétiques sont au cœur de l’actualité. Comment peut-on aborder ces défis ?
La temporalité est double, avec d’abord une problématique de court terme sur l’énergie : il suffit de suivre les médias pour comprendre que c’est le sujet principal qui mobilise pleinement les territoires et l’ensemble des collectivités. La problématique est également de moyen et long termes, avec l’adaptation au changement climatique. Les élus comprennent qu’il faut changer la manière de produire de l’action publique. Le Cerema, qui est “tourné solutions” sur les enjeux de transitions (mobilités, aménagement, etc.), accompagne les collectivités, qui sont en première ligne, que ce soit pour s’adapter ou pour anticiper. 

L’ingénierie a reculé dans les territoires depuis vingt ans. Comment et avec quelles méthodes les “réarmer” ? 
L’ingénierie territoriale présente aujourd’hui deux caractéristiques, avec une problématique très opérationnelle et un enjeu de montée en compétences. Nous intervenons sur ces deux niveaux. Nous aidons les territoires à porter une réflexion sur ce qu’on pourrait appeler l’ingénierie “stratégique” - c’est-à-dire apporter du “jus de cerveau” dans les territoires – avec des personnes qui soient en capacité de travailler sur ces enjeux. Le Cerema peut les accompagner, comme nous le faisons déjà sur les contrats de relance et de transition écologique (CRTE). L’autre enjeu tient à l’information du tissu local et au développement d’activités de formation, ou comment faire monter en puissance l’ingénierie locale, publique et privée, pour permettre de passer à l’échelle. Nous considérons que cela ne marchera que si les conditions d’une vraie complémentarité entre interventions publiques et privées sont installées. Nous signons ainsi des conventions et accords de partenariats avec des fédérations professionnelles pour favoriser ces synergies. 

Ce qui compte, c’est le renouveau et le développement des territoires.

La proximité était l’un des sujets mis en avant lors du dernier Salon des maires. Est-ce un enjeu phare dans l’évolution institutionnelle du Cerema ? 
Je suis convaincu que l’aménagement des territoires ne peut être décidé de manière théorique depuis Paris. Plus encore dans cette période faite de ruptures et d’évolutions rapides. Nous avons la chance de développer un maillage local fort avec les quelque 2 500 personnels du Cerema répartis dans les territoires, en métropole comme en outre-mer. Proximité et synergies guident nos interventions. Par ailleurs, l’appropriation par les acteurs eux-mêmes est un véritable enjeu. C’est la raison pour laquelle le Cerema est devenu un établissement public à la fois national et territorial, permettant aux collectivités de participer directement à sa gouvernance et de travailler avec lui de manière similaire à une société publique locale. Nous répondons à un besoin et une attente forts puisque l’adhésion au Cerema, ouverte en octobre, rencontre un réel succès, avec près de 400 collectivités qui nous ont déjà rejoint. Nous n’interviendrons pas “pour“ les collectivités, mais “avec” elles, en leur apportant des conseils et un accompagnement qu’elles pourront ensuite s’approprier. Vous évoquez le Salon des maires : nous avons accueilli sur notre espace près de 400 maires et élus locaux désireux que nous venions en appui, à leurs côtés, pour transformer en actions concrètes et en résultats les impulsions données en matière climatique. Ils nous le disent : ils ne peuvent pas avancer seuls ! 

Le réseau Expertises Territoires, développé par le Cerema, peut-il y contribuer ?
Le réseau Expertises Territoires s’inscrit en effet en prolongement de notre transformation, avec une approche concrète et humaine. Les besoins d’expertise des territoires sont aujourd’hui variés, larges, distincts, souvent appuyés sur l’innovation et adaptés aux particularismes du local. Expertises Territoires est une plate-forme lancée en début d’année qui a répondu à une attente, avec à ce jour près de 4 000 membres venus des collectivités, des acteurs publics – opérateurs et services déconcentrés notamment – et des acteurs privés. L’objectif est d’échanger au sein de communautés de travail, pour partager les bonnes méthodes, les solutions d’innovation qui peuvent inspirer d’autres territoires, de proposer des ressources personnalisées sur des enjeux liés à l’environnement, aux mobilités, à la mer, aux bâtiments… Le réseau contribue à coconstruire l’expertise territoriale de demain. 

Cerema, Agence nationale de la cohésion des territoires, Ademe, Banque des territoires… Certains élus s’interrogent sur le rôle de ces différents acteurs. Comment s’articulent-ils et quel est le rôle de chacun ? 
Chacun a son identité et porte des interventions propres. Mais nous travaillons évidemment ensemble. Ce qui compte, c’est le renouveau et le développement des territoires. La tentation pourrait être de dire “fusionnons tout et cela marchera mieux ensuite”. Je souligne qu’opérer une fusion est toujours complexe et chronophage. Le Cerema est né de la fusion de 11 organismes, et un temps de “digestion” de ces rapprochements a été nécessaire. Il faut également distinguer les organismes qui ont pour principale mission de distribuer des crédits et ceux qui vont conseiller et accompagner les collectivités. Au-delà, il faut se coordonner sur les compétences techniques pour ne pas opérer en doublon. Les établissements que vous mentionnez ont une plus-value réelle ; ils sont des organismes d’État dont les interventions doivent être aiguillées par le préfet dans les départements. L’urgence est à l’action en matière climatique. La coordination est un facteur clé de notre efficacité au service des territoires. 

Propos recueillis par Sylvain Henry

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Club des acteurs publics

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