La collaboration entre les innovateurs de l’État renforcée à la faveur de la crise

Depuis le début de la crise, les différents services d’innovation de l’État rivalisent de réactivité et d’ingéniosité pour proposer des outils visant à organiser la solidarité, à améliorer la lutte contre le Covid-19 ou à mobiliser les données destinées à informer sur la situation épidémique… À tel point que les idées ont fusé dans un premier temps, sans cohérence globale.

Une plate-forme pour aider les personnes en difficulté avec le numérique. Un tableau de bord de la situation épidémique. Un algorithme d’orientation des malades… On ne le remarque peut-être pas, mais depuis trois semaines, les différents services d’innovation de l’État, et notamment les incubateurs de services numériques, ne chôment pas. Ils ont été pris dans un élan de créativité, et les initiatives sont nombreuses. À tel point qu’il faut se “prêter” des forces vives, quitte à repousser à plus tard les questions contractuelles.

Ainsi, lorsque le Quai d’Orsay cherche à aider les Français coincés à l’étranger (Sosuntoit.fr), la direction interministérielle du numérique (Dinum) lui met à disposition un développeur de la communauté Beta.gouv – qui réunit aujourd’hui près de 380 personnes issues des différents incubateurs et d’Etalab, contre 300 au début de la crise. De même, quand le service d’information du gouvernement (SIG) travaille à la refonte de son site d’information pour intégrer une cartographie de l’épidémie, le pôle “Design” de la DSI de l’État arrive en renfort pour réfléchir à l’expérience utilisateur, tandis qu’un développeur de la communauté Beta.gouv, là encore, lui prête main forte.

Quant à la cartographie de l’épidémie elle-même, c’est la mission Etalab, en appui de Santé publique France, qui l’a mise au point. “Nous mettons toutes nos forces en commun pour essayer de mener le maximum de chantiers de front”, explique Perica Sucevic, responsable d’Etalab, qui cherche avant tout, dans une telle période de crise et d’émulation, à assurer la solidarité au sein des directions, entre les différentes directions et même au-delà, avec la société civile.

Foisonnement et décloisonnement

Comme on le voit dans tous les domaines, une forte collaboration a été renforcée au sein de la communauté des innovateurs de l’État à la faveur de la crise. Et au-delà. Les frontières entre les différents services et avec l’extérieur sont tombées pour faire face à l’urgence. Dès le début du confinement, une multitude de projets ont été amorcés, souvent sous la forme d’initiatives personnelles, même par des agents de l’État ou bien des prestataires de la communauté Beta.gouv, avant de trouver un appui ou de subir un coup d’arrêt. “C’est ainsi que fonctionne l’administration, avant d’attendre son accord officiel, il faut anticiper et commencer un projet pour être prêt le moment où elle le validera, ou pas”, témoigne un agent. 

C’est notamment ce qui est arrivé pour l’attestation de sortie au format numérique. Un formulaire en ligne créé par un développeur de la communauté a rapidement bénéficié de relais en interne, avant d’être finalement balayé par le refus du ministère de l’Intérieur. Le sort aura été différent pour “Veille coronavirus”, un outil de visualisation de l’épidémie créé par plusieurs agents de l’État ou développeurs évoluant dans ses cercles, sur leur initiative personnelle.

Avec le soutien politique, le projet a évolué pour devenir le tableau de bord que l’on retrouve désormais sur le site du gouvernement. Il a associé Santé publique France et le ministère de la Santé pour la remontée des données des hôpitaux. Etalab s’est occupé de faire le tri et de nettoyer les fameuses données pour les rendre plus facilement réexploitables. Et le SIG s’est chargé, avec d’autres services de la Dinum, de les mettre en forme sur son site. Depuis, Etalab continue de travailler avec le ministère de la Santé pour fluidifier la transmission des données et enrichir progressivement le panel. Les données sur le nombre de tests réalisés par jour devraient ainsi prochainement être agrégées.  

Autre exemple de collaboration interministérielle : la publication de l’algorithme d’orientation des malades, utilisé par le site Maladiecoronavirus.fr. Un projet, lancé par le ministère de la Santé, consistait initialement à créer un nouveau site d’autodiagnostic pour les personnes se sentant malades. Mais plutôt que de créer un site de plus, l’apport de Beta.gouv et d’Etalab a été, explique le responsable de l’incubateur, Florian Delezenne, “de revenir aux sources du problème pour le questionner et ainsi de proposer de partager la base”, c’est-à-dire l’algorithme. Et ce de manière à ce que toutes les initiatives de la société civile pour informer ou orienter les personnes s’appuient sur un même algorithme et que la remontée de données soit uniforme, pour faciliter les projets de recherche par la suite. 

Se recentrer sur les chantiers prioritaires 

Les premières semaines du confinement ont donc vu un important foisonnement d’idées et de projets plus ou moins aboutis et pertinents, certains étant repris officiellement. Un foisonnement qui n’a pas échappé au secrétariat d’État chargé du Numérique. “Nous avons d’abord été dans une période de gestion de crise, à présent, nous allons pouvoir mieux nous projeter et regarder ce qui mérite d’être appuyé”, soufflait-on au cabinet du secrétaire d’État, Cédric O, en fin de deuxième semaine de confinement. 

Après une première dizaine de jours de confinement et d’idées fusant dans tous les sens, l’heure est maintenant à la mise en cohérence d’ensemble. Là où Beta.gouv lançait, au début de la crise, son propre appel pour collecter les besoins des personnels non médicaux de la santé qui pourraient bénéficier de solutions numériques, elle s’est, depuis, approchée de plus près du ministère de la Santé, désigné comme le pilote légitime des réponses à apporter à la crise.

La Dinum cherche maintenant à regarder comment apporter son aide plutôt qu’à relancer de nouvelles initiatives et se positionne davantage en “capteur de besoins” pour redistribuer les cartes à l’interministériel. “Nous essayons ensuite de rapprocher les initiatives qui nous sont remontées d’un point d’atterrissage dans l’incubateur ministériel ou le service le plus concerné”, explique le responsable de l’incubateur interministériel de start-up d’État.

Celui-ci se reconcentre aussi surtout sur les chantiers prioritaires et sur la façon d’améliorer ce qui a déjà été déployé, comme Jeveuxaider.fr (qui en réalité un projet de site pour la réserve civique porté par une startup d'Etat et qui a été détourné le temps de la crise) ou la plate-forme Solidarité numérique, lancée officiellement le 30 mars. L’équipe réfléchit également d’ores et déjà à l’après-crise, et à ce que pourraient devenir les différents projets lancés.

Emile Marzolf

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