Face au Covid-19, les "démarches simplifiées" deviennent un réflexe pour les administrations

D’ordinaire, la question qui se pose autour de la dématérialisation est celle de son rythme effréné, laissant sur le bord de la route de nombreux Français éloignés, voire déconnectés du numérique. En cette période de confinement, on en viendrait presque à regretter que les démarches n’aient pas été dématérialisées plus tôt. Comment continuer, en effet, dans ces conditions de confinement, y compris pour les agents publics, à instruire des dossiers, qu’ils soient courants ou liés au Covid-19 ?

Pour assurer cette continuité du service public, le chef de projet de “Démarches simplifiées”, Philippe Vrignaud, ne ménage pas sa peine pour prêcher les avantages de cette solution proposée par la direction interministérielle du numérique (Dinum). Ce “kit de dématérialisation”, comme il avait été vendu à son lancement en mars 2018, permet de dématérialiser des démarches administratives peu complexes (formulaires, procédures, etc.), principalement à faible ou moyenne volumétrie, en quelques clics, et surtout de les instruire grâce à une interface intégrée et accessible à distance. La plate-forme est donc déployée depuis plusieurs années déjà, mais à l’heure du Covid-19 et du télétravail imposé pour la plupart des Français, qu’ils soient agents publics ou usagers, sa valeur ajoutée se fait pleinement ressentir. 

Depuis le mardi 17 mars (premier jour du confinement), plusieurs dizaines d’administrations se sont déjà appuyées sur la plate-forme Démarches simplifiées pour réagir face à la crise. Le ministère des Armées l’a utilisée pour lancer un vaste appel à solutions innovantes pour lutter contre l’épidémie. De même pour la French Tech, qui a lancé un appel dès le 19 mars à l’attention des start-up.

La préfecture du Tarn a, quant à elle, pu conduire dans l’urgence un recensement des volontaires pour assurer la garde d’enfants des personnels mobilisés pour gérer la crise sanitaire. Dans l’Aube, l’outil a permis à l’agence régionale de santé de recenser en un temps record les stocks de masques de protection à destination des personnels sur le terrain. 

Réactivité et simplicité  

Certains acteurs publics y recourent donc pour agir contre l’épidémie de coronavirus, d‘autres en réaction. C’est le cas, par exemple, de la direction départementale des territoires de Seine-et-Marne, qui a été contrainte de dématérialiser les demandes d’autorisation de destruction de certains oiseaux.

Dans le Bas-Rhin, la préfecture a récemment mis en ligne sa procédure de demande et de suivi des subventions au titre du Fonds de prévention de la délinquance. Bien que la décision de dématérialiser ces démarches ait été prise avant l’arrivée de l’épidémie, “sa mise en application alors que le coronavirus fait rage nous permettra de faciliter l’instruction à distance en télétravail des dossiers de demandes de subvention. Nous pourrons en effet ouvrir des accès aux co-instructeurs et répondre directement aux usagers via l’interface Demarches-simplifiees.fr”, fait valoir Stéphane Adé, le chef du bureau des politiques institutionnelles de la préfecture du Bas-Rhin. 

À l’Office national des forêts (ONF), c’est bien la simplicité du dispositif qui a permis de s’adapter immédiatement au confinement. “Nous avons rapidement recensé la nécessité de disposer d’un outil national et unique pour répondre à l’augmentation des demandes de report de paiement et de report de délais d'exploitation”, expose Frédéric Guérin, responsable de la communication de la direction territoriale du Grand Est, qui a piloté la dématérialisation des deux démarches. Elles ont ainsi été dématérialisées en moins d’une journée. “Comme c’est un outil gouvernemental, nous n’avons pas eu besoin des autorisations de nos services informatiques ni de développements spécifiques, d’autant plus qu’il n’y a pas besoin d’être informaticien pour dématérialiser, il suffit d’assembler des modules”, relève-t-il.

Le fonctionnement de l’outil est par ailleurs particulièrement adapté au télétravail, puisque le fonctionnaire a pu générer un formulaire en ligne déployé sur l’ensemble du territoire depuis sa direction de Strasbourg. De quoi continuer de traiter localement les demandes tout en offrant à son ministère de tutelle, celui de l’Agriculture, une vision d’ensemble de l’ampleur des demandes sur le plan national. 

Même réactivité du côté de la région Grand Est. En première ligne de la lutte contre le coronavirus, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), associée à la région, aux chambres de commerce et d’industrie et à la chambre régionale des métiers de l’artisanat, a mis en place, en l’espace de quelques jours, un guichet unique pour répondre de façon coordonnée aux difficultés exprimées par les entreprises. 

Instruction à distance

Ces exemples montrent la réactivité offerte par l’offre Démarches simplifiées, alors que toutes les administrations n’ont pas eu le réflexe d’y recourir. Dans l’urgence, elles ont été nombreuses encore à déployer des boîtes fonctionnelles, c’est-à-dire des boîtes mail spécifiquement créées pour répondre à un problème donné. Un moyen pour le moins efficace pour récolter rapidement des demandes, mais loin d’être satisfaisant sur le plan du traitement de ces demandes. “Démarches simplifiées, ce n’est pas que de la dématérialisation de demandes, cela permet aussi d’assurer une continuité du service public en intégrant des fonctionnalités de travail collaboratif et de faire de l’instruction partagée, en allant jusqu’à la prise de décision”, argue Philippe Vrignaud.

Et tout cela à distance, sur une même plate-forme et sans passer nécessairement par les systèmes d’information habituels de l’administration. Le directeur de projet dit être extrêmement sollicité depuis ce lundi 23 mars, après une semaine de flottement. D’ordinaire, environ 4 000 nouveaux dossiers sont en effet déposés chaque jour par des usagers grâce à Démarches simplifiées, toutes démarches confondues. La moyenne est tombée à 2 500 environ la semaine passée, pour cause de coronavirus. Plusieurs dizaines de démarches ont également été retirées de la plate-forme, car elles étaient malgré tout reliées à des systèmes d’information devenus inaccessibles avec le confinement.

“Pendant la première semaine de confinement, les administrations ont absorbé le choc, et maintenant, elles cherchent à s’organiser”, analyse Philippe Vrignaud. Notamment en regardant plus attentivement ce qu’elles doivent en priorité dématérialiser, et comment. 

Emile Marzolf

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