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Un entretien d’évaluation désagréable n’est pas un accident de service

Un entretien d’évaluation “ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent”, explique le Conseil d’État dans une décision du 27 septembre. Sous certaines conditions, toutefois.

Même s’il est mal vécu par un agent public, un entretien d’évaluation professionnelle peut-il être considéré comme un accident de service ? Non, répond le Conseil d’État dans une décision du 27 septembre [cliquez ici pour la consulter]. 

Le Palais-Royal y rappelle qu’un accident de service est un “évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci”. Mais un entretien, notamment d’évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, “ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent”, explique le Conseil d’État. Sauf, néanmoins, “à ce qu’il soit établi” que cet entretien “aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires”. 

“Syndrome anxiodépressif”

L’affaire en question portait sur le cas d’une adjointe administrative de première classe, nommée responsable du secrétariat général au service logistique de la Marine de Brest. Reçue par sa supérieure hiérarchique pour son entretien annuel d’évaluation professionnelle, cette fonctionnaire avait par la suite consulté son médecin traitant, qui lui avait prescrit un arrêt de travail pour un syndrome anxiodépressif majeur réactionnel, avec risque suicidaire. 

L’intéressée avait ensuite sollicité la reconnaissance de l’imputabilité au service de cet arrêt de travail. Ce que l’administration avait refusé au motif que sa pathologie ne présentait “pas de lien direct unique et certain” avec le service. Une décision que l’adjointe administrative avait décidé de contester en justice. Le tribunal administratif de Rennes avait fait droit à son recours en annulant ladite décision et en enjoignant à la ministre des Armées de prendre une nouvelle décision reconnaissant l’imputabilité au service de ses arrêts de travail. Débouté en appel par la cour administrative de Nantes, le ministère avait donc décidé de se pourvoir en cassation. Le Conseil d’État lui donne aujourd’hui raison. 

Pour rejeter la requête du ministère, la cour administrative d’appel avait notamment relevé qu’au cours de l’entretien professionnel, “la qualité de ses relations avec ses collègues avait été évoquée défavorablement, qu’il lui avait été reproché d’avoir tenu des propos à caractère xénophobe et demandé en conséquence de ne plus émettre d’observations sur des sujets sociétaux et d’observer la neutralité qui s’impose à chacun dans le cadre professionnel”. 

Pas d’accident de service établi 

Aussi “si sa chef de service indique être restée calme au cours de cet entretien et avoir conservé un ton mesuré”, la requérante avait “alors quitté précipitamment cet entretien” et produit un arrêt de travail de son médecin traitant “confirmant l’avoir reçue en état de choc avec une anxiété généralisée majeure réactionnelle” mais également un “avis d’un expert psychiatre faisait état d’un tableau anxiodépressif ayant fait suite au contenu d’un entretien d’évaluation professionnelle à l’origine d’une blessure narcissique”. 

Mais en déduisant de ces seules constatations que l’entretien d’évaluation de la fonctionnaire “était constitutif d’un accident de service”, “sans relever aucun élément de nature à établir que par son comportement ou par ses propos, la cheffe de service qui avait conduit cet entretien aurait excédé l’exercice normal du pouvoir hiérarchique”, la cour administrative d’appel de Nantes “a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis”, juge le Conseil d’État.

La circonstance que l’adjointe administrative aurait ressenti “un choc” à l’écoute de reproches qui lui avaient été faits à cette occasion “n’est pas, par elle-même, de nature à établir qu’elle aurait été victime d’un accident de service”, ajoute le Palais-Royal. Celui-ci annule donc l’arrêt de la cour administrative de Nantes et le jugement du tribunal administratif de Rennes par lesquels ces derniers avait fait droit à la demande de reconnaissance de la pathologie comme imputable au service.

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