LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE

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Pour répondre aux fortes attentes d’une société en mutation, pour assurer les conditions d’une croissance durable dans un environnement très concurrentiel, pour défendre et adapter un modèle social, socle du pacte républicain et possible rempart contre les conséquences de la crise financière mondiale, les organisations publiques se doivent d’être performantes. Les équipes Secteur Public d'EY ont pour ambition d’accompagner les administrations vers davantage d’efficacité, de performance et de transparence.

8 min

Sondage exclusif : rendre des comptes aux citoyens, première finalité de l’évaluation des politiques publiques

Plus de 8 Français sur 10 interrogés dans l’enquête Acteurs publics/EY pour l’Observatoire des politiques publiques, réalisée par l’Ifop, souhaitent que le bilan des femmes et hommes politiques soit évalué. Plus globalement, ils estiment qu’une politique publique efficace a, avant tout, un impact sur les conditions de vie.

Dans un contexte de défiance à l’égard du personnel politique, parfois assimilé à un “divorce” entre les Français et leurs élus, 83 % estiment aujourd’hui que le bilan des femmes et hommes politiques doit être évalué par un tiers, c’est-à-dire un organisme distinct de celui auquel ils appartiennent (34 % l’estiment même “tout à fait”).

Une évaluation des politiques publiques qui, pour les Français, doit avant tout porter sur la responsabilité des élus et l’efficacité des actions menées : ainsi, 58 % citent comme objectif prioritaire de l’évaluation le fait de rendre des comptes aux citoyens, devant l’arrêt des dispositifs qui ne fonctionnent pas (57 %) et l’amélioration de l’efficacité des politiques publiques (41 %). Si la sanction des mauvaises décisions est citée par 40 % des interviewés, d’autres items relatifs à la “revitalisation” de l’action publique sont, eux, encore moins mis en avant en tant qu’objectifs de l’évaluation des politiques : reconnecter les femmes et les hommes politiques au terrain (35 %), inspirer des réformes (21 %) ou encore sortir des idées reçues (17 %). Outre l’objectif de l’évaluation des politiques publiques, les interviewés se sont aussi prononcés sur ses critères. 

Impact économique et sur l’emploi

Que prendre en compte en priorité pour juger de l’efficacité d’une politique publique ? La réponse des Français se révèle très concrète : c’est l’impact sur les conditions de vie (pouvoir d’achat, qualité de vie), avec 62 % de citations, loin devant des considérations identifiées mais aux conséquences moins perceptibles dans la vie de tous les jours, comme l’impact économique (49 %) ou celui sur l’emploi (43 %). Sont encore moins cités l’impact social (lutte contre les discriminations, intégration, insertion, à 31 %), celui sur la santé (31 %), sur le budget de l’État (30 %), sur le changement climatique (empreinte carbone, biodiversité, à 26 %) ou encore l’impact local (16 %). 

Les citoyens veulent donner leur avis

Enfin, comment mettre en œuvre cette évaluation des politiques publiques ? À cette question, les Français répondent, quasiment au même niveau : avec “les avis des citoyens” sur ladite politique (60 % de citations) et “un rapport d’évaluation” par un tiers indépendant (57 %). Si l’expérimentation à échelle réduite (44 %) ou les avis d’experts (41 %) constituent des modes d’évaluation pertinents pour une part importante de la population, les outils dépendant de “corps intermédiaires” au sens large ne sont mis en avant que par un tiers ou moins des personnes interrogées, qu’il s’agisse des élections (comme moyen d’évaluation – 35 %), d’un rapport parlementaire ou d’une commission d’enquête (32 %) ou des avis des représentants des syndicats ou associations professionnelles (30 %).

Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop

L’enquête Acteurs publics/EY pour l’Observatoire des politiques publiques réalisée par l’Ifop a été menée par questionnaire auto-administré en ligne les 30 septembre et 1er octobre 2020 auprès d’un échantillon de 1 039 personnes, représentatif de la population française âgée de 18  ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille) après stratification par région et catégorie d’agglomération.

Expertise : 

Inscrire l’évaluation dans le processus décisionnel

Si la question de la performance se pose pour toute organisation, mesurer la performance publique s’avère plus difficile. Alors que le secteur privé dispose d’indicateurs précis et relativement simples pour mesurer la performance (chiffre d’affaires, marge, résultat), les politiques publiques, par leur objet, par la multiplicité d’acteurs impliqués, par le type de résultats recherchés, est d’une toute autre complexité. L’évaluation de politiques publiques permet de saisir cette complexité en mesurant l’efficacité, l’efficience et la cohérence de l’action publique. 

Dans un contexte de défiance à l’égard de la puissance publique, les Français souhaitent plus de transparence et d’efficacité

et appellent de leurs vœux une évaluation plus systématique.  Ils sont 83 % à penser que l’action publique doit être évaluée par un tiers et une large majorité d’entre eux attendent que leurs avis de citoyens soient davantage pris en compte dans le cadre de l’évaluation de la performance publique.

Pourtant, comme le souligne le Conseil d’État dans son étude annuelle 2020, la France se caractérise par un retard évident en la matière : l’évaluation est peu structurée au niveau institutionnel (malgré les multiples tentatives avortées du Parlement), l’évaluation n’est ni systématique (contrairement à l’Union européenne par exemple) ni ancrée dans le processus de prise de décision publique (contrairement à nombre de pays anglo-saxons). L’évaluation, enfin, ne se concentre pas suffisamment sur les enjeux financiers ou sociétaux majeurs.

Des progrès, trop timides, ont cependant été réalisés ces dernières années. La Société française d’évaluation recense une moyenne de 263 évaluations annuelles ces dix dernières années (70 % étant réalisées par des cabinets privés). L’évaluation est davantage intégrée aux approches de transformation publique (sous le pilotage actuel de la direction interministérielle ad hoc, la DITP). Le Parlement initie quelques études d’impact. Les corps d’inspection, France Stratégie comme la Cour des comptes conduisent également des évaluations, promouvant ainsi l’essor de cette pratique. Les évaluateurs développent enfin des approches plus partenariales, associant également les citoyens, et de nombreux acteurs (laboratoires universitaires) se saisissent de cette discipline.

Pourtant, nombre de dispositifs publics ne sont pas évalués et nombre d’évaluations demeurent peu prises en compte dans le processus de décision. La réforme constitutionnelle de 2008 a certes renforcé les compétences du Parlement en la matière, mais le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) souffre d’un manque de portage politique et se saisit souvent de sujets d’évaluation trop mineurs. 

Tirant les leçons de nos partenaires de l’OCDE et de nos propres hésitations depuis vingt ans, il me semble urgent de faire de l’évaluation un outil pleinement intégré à la gestion et à la décision publiques grâce à 4 initiatives fondatrices.

1.    Institutionnaliser tout d’abord l’évaluation en demandant au Parlement, au commissariat général du Plan, aux administrations et aux grandes collectivités de bâtir des plans d’évaluation annuels sur les politiques publiques à forts enjeux budgétaires ou à fort impact économique ou social. Et renforcer parallèlement les moyens de les conduire, en interne ou avec appui externe.
2.    Assurer un portage administratif et politique de l’évaluation à haut niveau (directeur d’administration centrale ou équivalent) pour garantir la correcte appropriation des résultats et recommandations. Ces résultats devraient systématiquement être présentés au responsable politique (président d’une des assemblées, ministre, président de collectivité) pour décider des suites à y donner. 
3.    Rendre publics et vulgariser les résultats des principales évaluations dans un double objectif de rendre compte aux citoyens de l’efficacité d’une politique publique et de favoriser le débat sur les possibles options d’évolution.
4.    Rapprocher le temps de l’évaluation du temps de la décision publique en favorisant la réalisation d’évaluations en trois à six mois. Cela suppose d’intégrer la définition d’indicateurs clés et les modes de collecte de données dès la conception des dispositifs publics pour faciliter leur pilotage et future évaluation. 

Les méthodes évaluatives sont aujourd’hui robustes et globalement adoptées par les inspections, cabinets de conseil et laboratoires universitaires.

La massification des données et les capacités d’analyse se sont fortement développées. Et les citoyens exigent transparence et efficacité. Le temps de l’évaluation est venu.

Trois politiques publiques prioritaires à évaluer pour améliorer la vie quotidienne
Pour l’heure et d’ici la fin du quinquennat, 3 sujets me semblent devoir être évalués pour assurer une pleine efficacité des investissements engagés : les politiques de soutien aux entreprises et à l’innovation, les politiques d’aménagement des territoires et les politiques d’aide sociale et de soutien à l’emploi.
La réponse du gouvernement et des régions à la crise actuelle et les 100 milliards d’euros annoncés pour le plan de relance placent les politiques d’accompagnement des entreprises et de soutien à l’économie en tête des domaines à évaluer. En la matière, des enjeux de transformation de l’économie vers une économie plus innovante et plus verte seront à prendre en compte lors d’évaluations in itinere qui pourront être conduites pour améliorer en temps réel l’efficacité des politiques de relance. Ces évaluations devront mobiliser l’ensemble des acteurs et proposer des référentiels évolutifs qui devront prendre en compte la nature complexe des objets à évaluer (fiscalité, instruments financiers, politiques de subvention, etc.). 
Les politiques d’aménagement et de cohésion des territoires, visant notamment à réduire les fractures territoriales, constituent également des politiques prioritaires qu’il convient d’évaluer. Les initiatives telles que les espaces France Services, les programmes Cœur de ville, Territoires d’industrie ou France Très Haut Débit servent une ambition de rééquilibrage attendu des Français. L’évaluation de ces dispositifs permettra de rendre compte de leur efficacité et de corriger si besoin leur trajectoire. 
Enfin, la crise sanitaire s’accompagne d’une crise sociale identifiée notamment par Jérôme Fourquet dans son Archipel français et illustrée par le mouvement des « gilets jaunes ». Les politiques sociales, de solidarité et d’insertion se doivent, au regard des enjeux humains et sociaux comme des montants investis, être le plus efficaces possible. Elles doivent réduire la fragmentation de notre société grâce à des outils de réconciliation sociale en capitalisant sur les multiples initiatives publiques et souvent privées déjà à l’œuvre. Ainsi, les travaux d’expérimentation en cours sur le service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE) et la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté sont très attendus sur le plan politique. Leur évaluation permettra de renforcer la visibilité des nouveaux dispositifs, d’objectiver leur efficacité et de les améliorer chemin faisant. 
Ainsi, ancrer l’évaluation dans le dispositif institutionnel et dans les pratiques de gestion, avec un double objectif de redevabilité et d’efficacité renforcée, répondra enfin à l’appel du rapport Viveret (de 1989 !), qui voyait dans l’évaluation « un levier essentiel de la transformation et de la modernisation de notre système public ».

Arnauld Bertrand, associé, responsable mondial des activités de conseil au secteur public & infrastructures, EY

Des évaluations efficaces sur l’aide au développement
De nombreuses évaluations sont conduites dans le domaine de l’aide au développement, pour le compte de gouvernements et des bailleurs bilatéraux ou multilatéraux. Ces évaluations permettent de mieux calibrer les contributions des bailleurs et les modalités de mise en œuvre des programmes de financement. 
Par exemple, les recommandations formulées à l’issue de l’évaluation du partenariat de la France avec le Fonds international de développement agricole (Fida) ont connu des suites concrètes. Suite à la recommandation visant à réaffirmer la place et l’importance du Fida en tant que partenaire multilatéral, la France a augmenté sa contribution lors de la onzième reconstitution du Fonds (Fida11) de près de 50 % en dollars par rapport au Fida10, avec une contribution totale à hauteur de 70,6 millions de dollars. 
Des recommandations de l’évaluation de la dotation de la France à l’Association internationale de développement (AID) du groupe Banque mondiale, principal fonds multilatéral, ont aussi connu des traductions concrètes au terme des dernières négociations de la dix-neuvième reconstitution (AID19), avec une meilleure prise en compte des positions françaises, tant sur le plan géographique – l’Afrique subsaharienne va bénéficier de 53 milliards de dollars, soit 65 % des ressources annoncées, contre au moins 50 % lors de l’AID17, le Sahel va bénéficier d’au moins 7,5 milliards, soit une hausse de près de 50 % par rapport à la reconstitution précédente – que thématique (dimension climatique et biodiversité).

Des fonds européens mieux ciblés
La mise en œuvre de la politique de cohésion européenne est, depuis sa création, fortement corrélée à la réalisation de cycles d’évaluation. Ces évaluations, attendues par la Commission européenne comme par les autorités de gestion, ont pour objectif d’améliorer la performance des financements en soulignant les améliorations possibles dans leur gestion, mais aussi dans le choix des politiques ciblées.
À titre d’exemple, les multiples évaluations conduites sur les programmes européens 2014-2020 ont incité la Commission à plus de simplification dans les règles de construction des programmes, allégeant ainsi en partie la charge administrative portée par les autorités de gestion, sans pour autant abandonner l’impératif de sécurisation de la dépense publique. 
Les évaluations conduites à l’échelle des programmes permettent, d’année en année, de mieux cibler les financements. Les opérations qui n’ont pas produit les résultats escomptés en cours de programmations ont pu être recalibrées, voire abandonnées, et des opérations plus pertinentes aux regards des besoins du territoire ont pu voir le jour.

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