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Mathilde Icard : “Le lien entre santé des agents et performance des organisations est évident”

Présidente de l’Association nationale des DRH des grandes collectivités, Mathilde Icard souligne pour Acteurs publics les enjeux phares de l’année en matière de fonction publique, au premier rang desquels les problématiques d’attractivité et de prévention.

En tant que présidente de l’Association nationale des DRH des grandes collectivités (ANDRHGC), qu’attendez-vous de cette année 2021 ? Que demandez-vous à l’exécutif ?
L’association est d’abord un espace d’échanges entre pairs, qui aide dans le quotidien de travail et nous permet également de prendre du recul. La fonction de DRH est capitale. Croiser les regards, partager les expériences, faire appel aux collègues de l’association pour construire un argumentaire qui servira en interne… Le travail collectif, entre DRH, qui dépasse les spécificités de chaque collectivité et leurs projets politiques, est très précieux. J’attends donc que cette énergie soit maintenue et je m’y emploierai. Nous débutons d’ailleurs l’année avec la production de plusieurs ressources méthodologiques pour les adhérents, notamment sur les dispositifs de signalement contre le harcèlement et les violences et – autre sujet – pour conduire une refonte du temps de travail.
D’un point de vue plus général, j’attends aussi que la transformation des organisations en cours soit prise en compte. Nous sommes dans un contexte de crise qui s’installe, de crise désormais chronique. Ce contexte rejaillit sur les individus et les collectifs. Au niveau individuel, la lassitude est réelle : l’impression de ne pas voir le bout, l’envie que la parenthèse soit fermée. Au niveau collectif, il y a une énergie incroyable, une imagination et une agilité des services publics locaux qui tous les jours anticipent, s’adaptent. J’attends de cette année que les transformations en cours soient capitalisées. Les organisations du travail se transforment et il faut s’appuyer sur ces expériences. Je pense aux coopérations renforcées entre acteurs institutionnels pour gérer la crise, mais également, au sein des collectivités, aux circuits courts qui renforcent la capacité d’agir des équipes, ainsi qu’au dialogue social qui dépasse – parfois – le dialogue formel entre les instances pour un dialogue plus souple, réactif, centré sur l’intérêt général. 
J’attends ensuite que l’application des grandes réformes issues de la loi de transformation de la fonction publique [la loi du 6 août 2019, ndlr] soit construite en associant les acteurs professionnels, dont fait partie l’Association des DRH des grandes collectivités. Notre association est très engagée et présente. Je suis fière de nos initiatives. À chaque projet de réforme, nous nous mobilisons et nos contributions sont souvent prises en compte. Notre posture n’est pas politique, elle s’appuie sur notre légitimité technique grâce à l’expérience de nos adhérents et à notre vision prospective.

Il faut intervenir en priorité sur la prévention et l’attractivité de la fonction publique.

Quels sont les sujets majeurs sur lesquels il faudrait intervenir en priorité cette année ?
J’en retiens deux principaux : la prévention et l’attractivité de la fonction publique. La prévention est le levier RH – quasiment – unique des employeurs aujourd’hui. Il y a tant à faire en la matière, aussi bien en ce qui concerne les modalités de financement du risque maladie et statutaire que les instances, les acteurs… C’est l’un des fils rouges de l’association et nous continuerons à faire des propositions dans le cadre des débats à venir. Les positions de l’ANDRHCT sur le sujet sont parfois perçues comme radicales : je pense à nos prises de position pour un système mutualisé du risque statutaire (mutualiser au niveau national le risque lié aux accidents et à la maladie) et de bonus-malus en fonction de l’implication des collectivités en matière de prévention. Nous voulons sortir du système en vigueur, c’est un système dépassé, fondé sur une approche de réparation. 
L’écart est parfois important entre le système cible basé sur la prévention et la réalité du terrain. Les employeurs locaux peinent à définir leurs besoins en santé. Rien n’y contribue d’ailleurs : les ressources sont orientées massivement sur la réparation (les médecins dits de prévention font principalement de la réparation, des préconisations pour aménager les postes des agents partiellement inaptes), sans parler des difficultés de recrutement des professionnels de santé au travail, et des outils statiques tels que le document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp), outil de crispation entre l’employeur et les organisations syndicales. Combien d’heures passées à relire ces documents qui passent à côté des vrais problèmes de travail ? Le sens initial du document unique, outil aux mains des experts et des organisations syndicales, est perdu. Beaucoup de temps pour quels résultats ? Il faut reconnecter les enjeux de santé et de travail en plaçant les agents au cœur...
Parce qu’il y a un lien évident entre santé des agents et performance des organisations, parce que, dans un contexte de vieillissement de la population active dans la fonction publique territoriale et de métiers fortement exposés, il est nécessaire d’agir rapidement et de changer de modèle. C’est la position que nous tenons et nous essayons de faire bouger les lignes. Nous l’avons dit à la DGAFP [la direction générale de l’administration et de la fonction publique, ndlr], nous attendons beaucoup du futur “plan santé au travail” pour la fonction publique. Il doit pouvoir répondre à ces enjeux. Il s’agit d’insuffler une démarche de prévention orientée “résultats”. Ce plan devra intégrer des axes opérationnels. Nous avons proposé d’orienter les travaux, pour la première période, autour de l’amiante, des TMS [troubles musculo-squelettiques, ndlr], de la digitalisation et de la prévention des violences internes et externes.

Nous proposons des formations obligatoires tout au long de la carrière sur les fondamentaux pour anticiper les reconversions.

Il s’agit aussi de réorienter les financements. Au niveau national en réorientant les fonds à axer massivement sur la prévention et au niveau local en intégrant la prise en compte des secondes parties de carrière dès l’entrée dans la fonction publique. Il est probable qu’un ou une Atsem, un ou une auxiliaire de soins dans un Ehpad, un ou une agent(e) de la propreté ou de la police municipale ne fassent pas le même métier toute leur vie. Plutôt que de subir une reconversion, cette trajectoire doit être intégrée dès le départ. Aussi, nous proposons des formations obligatoires tout au long de la carrière sur les fondamentaux (lecture, écriture, informatique, accueil…) pour anticiper les reconversions. En termes de ressources et compétences, les médecins de prévention, qui coordonnent les équipes pluridisciplinaires de santé, doivent aussi avoir tous les outils à leur disposition. Cela fait plusieurs années que nous demandons à autoriser, comme c’est le cas dans le privé, les entretiens de santé au travail. Ces entretiens renforcent le binôme infirmier(ère)-médecin. Ils permettent aux médecins de se concentrer sur les situations complexes. Ils ont alors plus de temps pour jouer leur rôle de conseil à l’employeur. À quelle génération de plan sur la santé au travail piloté par la direction générale du travail en sommes-nous pour le secteur privé ? Le premier date de 2005, alors que, quinze ans plus tard, dans le public, nous commençons les échanges pour la construction d’un plan santé au travail qui s’annonce comme un exposé de grandes intentions. Nous sommes des professionnels des RH et croyons fermement aux bénéfices de la prévention. Nous ne pouvons pas nous contenter de la situation actuelle. 

Quid de l’attractivité ? 
L’attractivité de la fonction publique, c’est l’autre enjeu. Nous avons proposé à la ministre [Amélie de Montchalin, ndlr] de lancer une grande campagne nationale pour faire connaître la diversité des métiers de la fonction publique, notamment ceux qui sont en tension. Dans la fonction publique territoriale, nous avons plus de 250 métiers et la majorité d’entre eux est méconnue du public. Nous avons également proposé de travailler sur les voies d’accès aux concours, pour que l’image de la fonction publique soit à l’image de la société française : valoriser les expériences du privé en augmentant le nombre de places aux concours pour la troisième voie [destinés aux candidats issus du secteur privé, ndlr], accompagner les fonctionnaires souhaitant accéder à la haute fonction publique en développant les prépas territoriales, à l’instar de l’IGPDE [l’Institut de la gestion publique et du développement économique, ndlr] pour la fonction publique d’État (avec détachement des agents avec maintien de la rémunération), et ouvrir massivement l’accès aux jeunes en facilitant le recrutement des apprentis, facteur de rajeunissement des effectifs et de lien intergénérationnel. Sur ce point : après un an, voire deux ans d’apprentissage, le recrutement d’un ou une apprenti(e) n’est pas facilité, hormis en catégorie C par recrutement direct. Sur les autres catégories, s’il se retrouve en concurrence avec un titulaire, c’est ce dernier qui sera pris alors que la collectivité a investi sur la formation de l’apprenti. L’Association propose que leur candidature sur les postes A et B soit assimilée à celle des titulaires.

L’ordonnance “Santé au travail” du 25 novembre 2020 comporte-t-elle des points d’amélioration ?
Nous avons soumis une contribution à la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques en octobre dernier. Nous avons salué les avancées en matière de temps partiel thérapeutique – celui-ci n’est plus conditionné au bénéficie d’un arrêt maladie préalable notamment – et de congés liés à la parentalité. En ce qui concerne la fusion des instances, commissions de réforme et comité médical, en un conseil médical unique, le texte de l’ordonnance ne permet pas de projeter un modèle du fonctionnement des instances médicales de demain. Cette réforme peut avoir des conséquences majeures sur la mise en œuvre de la protection sociale des fonctionnaires. On estime qu’un agent sur 5 verra sa situation analysée par cette instance au moins une fois dans sa carrière : pour un accident, une maladie… L’ordonnance fixe un cadre, mais ce sont surtout les décrets à venir qui seront importants. L’Association suivra avec attention les travaux sur le volet réglementaire de la réforme, et mettra à disposition ses ressources et son analyse par le biais de la concertation menée par le gouvernement. En revanche, il y a un point noir dans cette ordonnance : l’affaiblissement du secret médical [lire notre article sur le recours déposé par un syndicat à ce sujet]. Dès le mois d’octobre, nous avons alerté sur ce point. Le texte a évolué entre le projet et la version définitive, mais ce n’est pas suffisant. L’article 7 de l’ordonnance porte atteinte au respect du secret médical, en ce sens qu’il autorise des gestionnaires à avoir connaissance d’éléments médicaux dans le cadre de l’instruction de dossiers d’accidents du travail et de maladie professionnelle. Cette disposition peut laisser penser que cela facilitera et accélérera l’instruction des dossiers. L’objectif est louable mais en pratique, elle conduirait à transmettre des informations à des gestionnaires non qualifiés pour recevoir ce type de données. Secret professionnel et secret médical sont deux concepts différents. De même, professionnel RH et professionnel de santé sont deux métiers différents. Le médical, dans la sphère professionnelle, doit rester piloté par le médecin de prévention. En tant que DRH des grandes collectivités, nous accompagnons au quotidien ce type de situations et souhaiterions que les dossiers de reconnaissance en maladie professionnelle ou accident du travail soient plus simples à conduire. Mais cette disposition ne règlera pas le problème. Il le sera plutôt en changeant les process de gestion, en nous appuyant davantage sur les équipes de santé en travail, dont l’une des missions est de présenter des rapports sur la situation des agents auprès des instances médicales, en développant des politiques de prévention… Pas en fragilisant le secret médical, ce qui, au final, fragilisera les droits des agents.

Concernant la protection sociale complémentaire, quel regard portez-vous sur le projet du gouvernement ? La participation employeurs obligatoire est-elle une avancée et quelles sont les marges de progrès des dispositions prévues selon vous ?
Vous connaissez notre engagement de longue date sur la protection sociale complémentaire. Dans nos échanges des derniers mois avec le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques, nous avons signalé, si le principe de calendriers distincts était maintenu, l’importance d’avancer en priorité sur la prévoyance. Seul.es 50% des agent.es sont aujourd’hui couvert.es en prévoyance. Il y a aussi, sans couverture, un risque de précarité lié à l’incapacité de travail et à l’invalidité. L’Association s’est aussi prononcée favorablement au principe d’une participation obligatoire de l’employeur territorial, pour les risques santé et prévoyance. Partant du principe d’une participation obligatoire, nous proposons que la garantie prévoyance couvre au moins l’incapacité temporaire de travail (pour couvrir la perte de salaire liée lorsqu’une personne passe à demi-traitement, en cas de maladie ordinaire, congé longue maladie et congé longue durée) et le capital décès. La négociation des périmètres de garantie doit pouvoir avoir lieu au niveau national, en suivant la logique d’une branche professionnelle : il faut négocier un socle minimum en santé et en prévoyance au niveau national, à charge pour les employeurs, au niveau local (par les grands employeurs en propre et par les centres de gestion pour les autres collectivités) de négocier et de déployer des offres avec des niveaux plus importants de couverture. Nous insistons également sur le pilotage paritaire de ce dossier. L’absentéisme est important dans les collectivités, notamment sous l’effet du recul de l’âge de départ en retraite des agent.es et de métiers exposés. C’est par un pilotage paritaire que les parties prenantes seront responsabilisées. Employeurs et syndicats auront la force nécessaire pour convaincre les agents de l’intérêt de cette participation obligatoire. 

Quel regard portez-vous sur cette fonction publique abordée sous des enjeux budgétaires en 2017 et qui a montré sa capacité à faire face depuis le printemps dernier ? 
Ces dix dernières années, le rôle des DRH a évolué en plaçant le pilotage de la masse salariale au cœur de nos missions. Le fait, pour un.e DRH, d’avoir maintenu la masse salariale à 0% est parfois plus important aux yeux des élu.es que les actions de fond en matière de prévention par exemple. La rigueur budgétaire de cette dernière décennie a fragilisé nos organisations. Et nous le voyons clairement en cette période de crise. Cette rigueur a fragilisé car nous n’avons pas pu renouveler nos effectifs composés en grande partie d’agent.es vieillissant.es, vulnérables au risque sanitaire et occupant des métiers pénibles. D’autre part, la capacité à affronter et à gérer le risque de nos organisations repose également sur l’encadrement à renforcer, à former et de personnels qualifiés. La vision uniquement budgétaire où les ratios comptent plus que les compétences est contreproductive pour la qualité du service public. D’un point de vue strictement économique, cette approche ne tient pas. 

La fonction publique face à la crise : quels enseignements ? Comment capitaliser sur les innovations, l'engagement, la solidarité, la proximité que nous avons observés ? 
Le rôle de l'État est essentiel dans la gestion de crise pour partager une culture commune de la gestion de crise afin de mieux anticiper, fluidifier la mise en œuvre des actions concrètes. Tout comme un rapprochement de l'État avec les collectivités pour mieux prendre en compte les réalités de terrain et gagner en temps, en efficacité et en compréhension partagée de la crise. La plupart des collectivités demeurent peu préparées à ce genre de situation. Elles ont dû faire preuve de réactivité pour y faire face, dédier les moyens nécessaires pour appliquer les préconisations (masques par exemple pour assurer le déconfinement, puis mises en place de centres de vaccination). Nous avons observé des disparités selon la taille et les profils des collectivités. Au-delà de la formation des cadres de direction à la gestion de crise, plus marquée dans les grandes collectivités, il y a également une distinction entre les collectivités préparées et ouvertes à expérimenter les modes managériaux agiles et les autres. Les collectivités qui avaient déjà une pratique même expérimentale du télétravail ont eu moins de difficultés à s’organiser. 

En termes institutionnels, nous avons notamment proposé à la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques de mettre en place des formations communes à la gestion de crise : formation des élu.es et des cadres des trois fonctions publiques au moyen de mises en situation, d’exercices réguliers de gestion de crise. L’État pourrait contribuer à partager et à diffuser cette culture du risque dans une dynamique inter fonction publique en s’appuyant sur les préfectures de région (au travail des PFRH). Nous proposons également, une fois la crise passée, d’ouvrir une négociation sur un accord de méthode « de gestion de crise » avec les organisations syndicales. Il y a eu, au niveau national et au niveau local, des expériences de dialogue intéressantes. C’est important de le capitaliser au travers d’un accord de méthode. Nous pensons également utile que l’élaboration d’un corpus normatif consolidé puisse être adopté (combien de textes ont été pris pendant cette période au fil de l’eau ?) et activable en cas d’état d’urgence. Ne serait-ce que dans le domaine RH, la consolidation de tous les décrets, FAQ (foire aux questions), circulaires sera précieuse.

Enfin, au-delà de ces enjeux institutionnels, la période est remarquable par l’énergie des services publics et des agent.es qui les font vivre. Quelle énergie ! et quelle modestie de toutes ces personnes qui servent l’intérêt général sans fléchir malgré le contexte. En mode « gestion de crise », les circuits de décision se sont raccourcis, les agent.es de terrain ont eu plus de marges de manœuvre pour prendre des décisions rapides. A première vue, cela peut sembler contre-intuitif : le pilotage de la crise est un pilotage resserré au plus haut niveau (exécutif/dg) et pourtant il y a aussi eu plus de pouvoir d’agir pour le terrain. Cela est dû à un changement de posture de l’encadrement : les managers, ces derniers mois, s’affirment en tant que facilitateurs. D’une figure traditionnelle de celui ou celle vers qui se tourner pour avoir une réponse à un problème (l’agent.e fait « remonter le problème »), les encadrant.es sont « descendu.es » sur les problèmes. Le management a créé les conditions du dialogue entre expert.es de terrain (souvent les agent.es dits d’exécution) pour trouver des solutions opérationnelles. Ce changement de posture est fondamental, il responsabilise chaque personne. Il faut le capitaliser assurément. Mais j’ai l’impression que le chemin va être long encore. Dès qu’une accalmie apparait, les vieux réflexes reprennent le pas. 

La décision a aussi été empêtrée dans des difficultés de fluidité, de process, de normes... Comment rendre la décision plus efficace ? 
Grande question ! si j’avais la réponse, elle serait déjà partagée en licence ouverte pour tous. Les outils méthodologiques ne manquent pas pour simplifier les process et les retours d’expériences conduits par les collectivités donneront également des perspectives, comme les différentes missions nationales qui travaillent sur le sujet. A minima, il me semble important, que la méthode de gestion de crise soit discutée au niveau national et local avec les acteurs puis formalisée. Un point sur le statut. L’Association a été sollicitée sur la question de la rigidité du statut, obstacle à la gestion de la crise. Nous ne le pensons pas. Le statut démontre sa souplesse et sa modernité en offrant les outils nécessaires pour mobiliser et réaffecter les agent.es. Ce n’est pas tant le statut qu’il faut modifier ou de nouveaux outils juridiques à créer mais l’accompagnement des DRH à la mise œuvre d’une telle démarche. Je pense par exemple à la réaffectation des agent.es qui a pris une toute autre ampleur dans la période de reconfinement nécessitant une ingénierie dédiée (recensement des besoins, appariement), des moyens RH, une communication adaptée tout en associant les représentan.ets du personnel.

La fonction RH joue-t-elle un rôle encore plus essentiel ? 
La fonction RH avait déjà un rôle essentiel avant la crise. Les DRH sont, dans les grandes collectivités, pour la majorité depuis au moins cinq ans, membres des comités de direction. Le partage de la fonction entre DRH et management est assez clair. Les DRH ont, pour la plupart, été positionné.es comme pilote pour leur organisation tant au niveau du PCA (plan de continuité d'activité) que pour le plan de reprise de l’activité. Cela dit, nous avons vu effectivement, en cette période de crise inédite le rôle incontournable de la DRH : décryptage des textes, élaboration de doctrine interne, garante du dialogue social interne, facilitatrice pour le croisement entre les besoins du service public et les compétences en interne… Nous avons consacré notre colloque d’octobre dernier à ce sujet « Comment la Covid-19 fait muter la fonction RH ». Le colloque a été introduit par Charles-Henri Besseyre des Horts qui, pour mémoire, publiait en 1988 l’ouvrage « Vers une gestion stratégique des Ressources humaines ». Nous y sommes ! Et cette gestion stratégique sera d’abord d’accompagner la transformation du modèle de management qui a été clairement bousculé ces derniers mois. 

On parlait d'une gestion RH de crise et d'une gestion RH du quotidien. Le distingo est-il encore pertinent quand nous sommes en crise permanente : Gilets jaunes, menace terroriste, contexte sanitaire...
Il y a des grandes crises et des crises de moindre ampleur, celle que nous traversons est d’un caractère inédit. Il faut intégrer désormais dans notre quotidien cette donnée du caractère récurrent des crises. Plus globalement, les organisations sont vivantes donc elles bougent, se transforment. L’enjeu pour la fonction RH est d’anticiper ces transformations et de comprendre « in vivo » pour agir sur ces transformations. Les apports de la sociologie, de la psychologie du travail, de l’anthropologie notamment peuvent nous aider. Décrypter le climat social pour anticiper des dégradations par exemple, maintenir des collectifs solides alors que la gestion des urgences peut les fragiliser. Et puis, il y a notre responsabilité de préparer les sorties de crise et, à ce moment-là, profitons pour innover. 

L'accélération digitale survivra-t-elle à la crise ? Quels accompagnements ? 
C’est un processus irréversible. Il faut maintenant faire le tri entre ce qui est indispensable à un contexte de distanciation sociale et ce qui est nécessaire à un contexte de lien social. Nous souhaitons lancer des travaux sur ces sujets avec des chercheur.es : sur les « lieux » de travail, sur les compétences nécessaires à la digitalisation de l’administration, sur le rapport entre administration humaine/incarnée et téléservices et enfin sur le lien entre le sens au travail et la digitalisation. 

Les nouveaux espaces de travail, le nouvel environnement de travail des agents sont-elles des problématiques phares aujourd'hui ? 
La « fin du bureau » était le thème de notre colloque de 2018, ce n’est pas nouveau. Et il ne faudrait pas que le télétravail massif de ces derniers mois conduise à des décisions radicales. Plutôt que de passer par la case « open space » allons tout de suite sur les enjeux en lien avec la prévention des TMS, utilisons les apports des neurosciences et de l’ergonomie. Combien de temps allons-nous encore resté.es assis.es sur une chaise à travailler alors que le mouvement a des effets positifs sur l’apprentissage, la structuration de sa pensée ? Il est temps de tourner la page du schéma classique, mais de tourner la page complètement, sans relier ce projet à une volonté de faire des économies directes. Je pense aussi, aux enjeux pour toutes les personnes qui travaillent sur le terrain. Il y a encore beaucoup à faire en matière de conditions de travail avec l’ergonomie notamment. 
 

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Club des acteurs publics

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