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La féminisation du numérique de l’État passe par les “profils atypiques”

En 2022, les femmes devront représenter 50 % des “profils atypiques” recrutés par la direction interministérielle du numérique (Dinum), notamment via son programme des “Entrepreneurs d’intérêt général”. Au sein de l’État comme dans le secteur privé, la part des femmes dans les métiers du numérique avoisine les 30 %.

Cinquante pourcents de femmes dans le numérique d’État ? C’est l’objectif vers lequel semble tendre la direction interministérielle du numérique (Dinum), la DSI de l’État, à en croire les documents annexes au budget 2022. Pour la première fois, le programme “Innovation et transformations numériques”, qui décrit les moyens et objectifs de la Dinum, intègre un indicateur de performance relatif à la part des femmes “dans les profils atypiques dédiés à l’innovation numérique sélectionnés dans l’année”.

Une partie des budgets accordés à la Dinum dans le cadre de ce programme servent en effet à “développer des méthodes de recrutement innovantes pour résoudre des défis publics”. Cet objectif se matérialise principalement par le programme “Entrepreneurs d’intérêt général” (EIG), lancé en 2017 pour faire bénéficier les administrations de certaines expertises du numérique dont elles ne diposent pas ou peu, le temps d’un projet numérique de dix mois. Le programme, particulièrement attractif, a ensuite été étendu aux “designers d’intérêt général” avec le dispositif “Commandos UX”. Des trios de designers sont ainsi chargés de repenser le parcours et l’expérience utilisateur des services numériques de l’État, et en particulier les démarches en ligne du “top 250”.

Enfin, une “brigade numérique d’intervention” a été lancée en 2020, pour mener à bien et rapidement des projets prioritaires du gouvernement, comme la plate-forme d’audioconférence de l’État ou l’application “Santé Psy Étudiant”, conçue pour accompagner les étudiants déstabilisés face à la crise sanitaire.

La DSI de l’État dote ainsi ces 3 programmes de recrutement accéléré de contractuels pour répondre à des besoins spécifiques de l’État d’un indicateur de performance dédié à la parité. L’objectif n’est pas totalement nouveau, notamment pour le programme EIG, qui a toujours été attentif à cette question, mais il a le mérite d’être clairement posé et précisément mesuré. Les femmes devront représenter 50 % des profils recrutés dès 2022. Un taux que la Dinum estime avoir quasi atteint pour 2021 puisqu’il serait de 49 %.

Mais cela n’a pas toujours été le cas. La toute première promotion d’EIG ne comptait par exemple que 2 femmes sur ses 11 membres, soit une proportion de 18 %. En 2019, où ont commencé également à être recrutés des designers, on ne comptait encore que 19 % de femmes, pour grimper subitement à 44 % en 2020 (sur 56 personnes). À noter que le programme a renforcé au fil des années la place des compétences moins “informatiques”, comme le design ou le droit.

Canal de recrutement

Quoi qu’il en soit, la plus grande place occupée par les femmes serait le résultat d’une “politique volontariste pour attirer un maximum d’entrepreneures : mobilisation de réseaux dédiés à la promotion de la diversité hommes-femmes (Ladies4Code, Women in Data Science, Women who Code, Data Women, R Ladies…), discours inclusif lors des événements de présentation du programme, mise en avant d’entrepreneures lors des actions de communication”, précise le bleu budgétaire annexé au projet de loi de finances (PLF). Et ce malgré l’abandon rapide, après son utilisation lors de la troisième promotion, du point médian “entrepreneur·e”. Point médian qui reste toutefois utilisé dans la rédaction et surtout l’intitulé des offres d’emplois de la direction.

S’il n’a pas été pensé comme tel à son origine, force est de constater que le programme constitue bien un canal de recrutement pour l’État. Preuve que celui-ci voit dans le programme EIG un moyen de fidéliser les compétences attirées par son format atypique et souple, une annexe au PLF intègre depuis 2019 – et la consolidation budgétaire du programme – un indicateur relatif au “nombre d’entrepreneurs d’intérêt général recrutés dans l’administration à la suite de leur défi”. Dans le cadre du budget 2022, un autre indicateur a été ajouté, pour évaluer plus précisément la part des femmes dans ces recrutements. Non évaluée pour les années précédentes, cette part devra atteindre les 40 % en 2022 et les 50 % en 2023.

Métiers en manque de féminisation

La question de la féminisation de la filière numérique avait été portée tout particulièrement par Mounir Mahjoubi lors de son passage à la tête du secrétariat d’État au Numérique entre 2017 et 2019. Le député de Paris avait notamment accompagné la création de la fondation Femmes@numériques et nommé Salwa Toko à la tête du Conseil national du numérique (CNNum), une femme, certes, mais surtout très investie sur l’inclusion des femmes dans la “tech”. À ce titre, l’État souffre autant que le privé d’un manque de féminisation des métiers du numérique, où la part de femmes avoisine les 30 %. Plusieurs ministères, à commencer par les Armées, en ont d’ailleurs fait un axe stratégique de recrutement pour pallier la pénurie de main-d’œuvre, notamment dans le domaine de la cybersécurité.

Même si l’enjeu de la féminisation ne figure pas dans le plan d’action de 2019, il est bien présent dans la feuille de route Tech.gouv de la Dinum. Un dispositif de “talents féminins du numérique” a ainsi été lancé fin 2019 pour “accompagner les talents féminins du numérique au sein de l’État pour favoriser la mixité de la filière « tech gouv »”. En clair, le dispositif sélectionne des “promotions” de 6 femmes spécialisées dans le numérique au sens large (pas forcément dans l’informatique) pour qu’elles bénéficient de séances de coaching professionnel et soient “marrainées” par une cadre dirigeante, comme on le pratique déjà dans le privé depuis plusieurs années. C’est ensuite au tour de l’une des participantes de devenir la marraine de la prochaine promotion. Une façon d’aider les femmes du numérique de l’État à progresser dans leur carrière, mais aussi de favoriser leur mise en réseau et leur entraide pour se faire une plus grande place dans un secteur encore nettement dominé par les hommes. 

Un “plan mixité” dans l’éducation pour inciter les filles à choisir le numérique
Si les femmes manquent à l’appel dans les métiers du numérique, c’est aussi et surtout parce qu’elles sont encore trop peu nombreuses à se former à ces métiers. Afin de tenter d’y remédier le plus tôt possible dans l’orientation des élèves, le ministère de l’Éducation nationale lance ce jeudi un “plan mixité” pour atteindre au moins 30 % de filles ou de garçons dans les différents enseignements de spécialité au lycée (à partir de la classe de première). Pour les filles, cela concerne donc tout particulièrement les spécialités “Numérique et sciences informatiques” et “Sciences de l’ingénieur” (alors que pour les garçons, ce sont les spécialités littéraires, artistiques et de langues). Ce plan d‘incitation passe par davantage d’information et de mentorat dès le collège ou par la valorisation des bourses pour les élèves qui choisissent ces filières, lorsque leur genre est sous-représenté.

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