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Haute fonction publique : l’examen du texte en Conseil des ministres décalé d’une semaine

Selon nos informations, la présentation en Conseil des ministres du projet d’ordonnance réformant la haute fonction publique a été décalée du 26 mai au 2 juin.

Dans la seringue. Selon les informations d’Acteurs publics, l’exécutif a décidé de repousser d’une semaine la présentation en Conseil des ministres du projet d’ordonnance de réforme de la haute fonction publique à l’issue duquel il doit être adopté. Prévue le 26 mai, la présentation est ainsi décalée au 2 juin. Pour rappel, la réforme de la haute fonction publique fait l’objet d’une habilitation à légiférer par ordonnance prévue par la loi de transformation de la fonction publique (LTFP) du 6 août 2019. Habilitation limitée dans le temps et dont l’échéance tombera le 7 juin.  

Avec le choix initial du 26 mai, le gouvernement Castex s’était laissé une petite marge de manœuvre, au cas où , ce qui est conforme à la pratique gouvernementale. Il l’utilise. “Ce report fait suite à des ordres du jour chargés des Conseils des ministres”, plaide une source au sein du pouvoir.  

Ce texte a aussi fait, ces derniers jours, l’objet d’une saisine rectificative du Conseil d’État par le gouvernement. Comme tous les textes juridiques, l’ordonnance fait l’objet d’un avis des sages du Palais-Royal qui ne lie par le pouvoir politique, mais qui doit lui permettre de “bétonner” son texte, notamment pour lui éviter tout désaveu postérieur, en justice. Cet examen est en cours depuis le 30 avril. L’organisation des procédures internes du Palais-Royal garantit que les membres qui conseillent le gouvernement durant cette phase ne sont pas ceux qui seraient amenés à traiter ultérieurement d’éventuels contentieux. Ce principe de séparation est ici d’autant plus vital que le Conseil d’État aura à se prononcer sur des points de l’ordonnance qui le concernent très directement, même si une telle situation n’a en soi rien d’inédit.

Logique de contrôle

Car si l’ordonnance permet de gagner du temps en contournant le Parlement, elle n’échappe pas à une logique de contrôle. À la différence d’un projet de loi, dont les parlementaires peuvent contester la constitutionnalité au moyen d’une saisine des sages de la Rue de Montpensier, l’ordonnance peut, elle, donner lieu à des recours devant la plus haute juridiction administrative entre le moment de la publication au Journal officiel (à l’issue de l’adoption Conseil des ministres) et la ratification de l’ordonnance par le Parlement.

En termes de publics, l’éligibilité des contestataires est donc plus forte. Peuvent saisir le Conseil d’État au contentieux tout ceux qui justifient d’un intérêt à agir, notamment les syndicats. Là ou, dans le cadre d’une loi adoptée par la voie ordinaire, il aurait fallu, pour ces mêmes acteurs, attendre plus longtemps, à savoir un contentieux quelconque sur lequel viendrait se greffer une question prioritaire de constitutionnalité.  

En coulisse, la réforme de la haute fonction publique fait l’objet d’un certain nombre de griefs, dont certains relèvent de grands classiques du droit : l’empiètement sur le domaine réglementaire ou un dépassement du champ d’habilitation à légiférer. Mais d’autres inquiétudes sont spécifiques, comme l’organisation des procédures d’entrée au Conseil d’État et à la Cour des comptes et le statut des inspections. Le gouvernement prévoit une mise en application assez rapide de la réforme – au 1er janvier 2022 – avec une quarantaine de décrets d’application.

3 saisines rectificatives

La séquence de ces jours-ci présente donc d’évidents enjeux de sécurisation juridique et s’opère dans le cadre d’un dialogue permanent entre le gouvernement et son conseiller, le Palais-Royal. Pour rappel, lorsque le gouvernement veut modifier le texte en cours d’examen au Conseil d’État, il doit procéder à une saisine rectificative ou complémentaire du Conseil d'État. Pour cette ordonnance, le gouvernement a procédé à 3 saisines rectificatives, au fil des discussions qui se sont poursuivies ces derniers jours. La dernière visait notamment à corriger quelques points, notamment l’ajout du “N” de “national” à l’Institut national du service public (INSP) et le nombre de magistrats de tribunaux administratifs qui peuvent être promus au Conseil d’État (au moins deux et non plus au moins un) et d’autres aspects rédactionnels.  

L’examen par le Conseil d’État débute toujours en formation restreinte avant de s’achever en assemblée générale, souvent calée le dernier jeudi avant la date choisie pour la présentation en Conseil des ministres. Vraisemblablement le 27 mai donc.

Dans cette séquence, l’on raisonne au moyen de couleurs, en fonction des versions. Le rose désigne l’avant-projet du gouvernement, le vert celle issue du Conseil d’État et le bleu, la dernière version retenue pour le passage en Conseil des ministres. À ne pas confondre avec le “bleu” de Matignon qui désigne, lui, le compte rendu définitif d’une réunion interministérielle car il est imprimé sur un papier de cette couleur.

Qualité rédactionnelle et régularité juridique

Pour déterminer le passage au bleu, le gouvernement choisit donc entre la version rose et la verte. Dans le cas d’un projet de loi, il choisit les versions, article par article. Pour les textes réglementaires, la pratique tend plutôt à ce qu’il choisisse une version dans son ensemble, l’une ou l’autre. La pratique de l’ordonnance, elle, procède en général d’un entre-deux. À l’occasion de son examen, le Conseil d’État examine la qualité rédactionnelle et la régularité juridique : hiérarchie des normes, partage de compétence entre la loi et le règlement, chasse aux “neutrons législatifs” (dispositions non normatives qui peuvent contenir des considérations implicites sur l’état idéal du monde). De manière moins fréquente, il peut aussi s’autoriser à apprécier “l’opportunité administrative” (c’est l’expression consacrée) de telle ou telle disposition. Plusieurs critères sont alors déterminés par la pratique, et notamment la pertinence et l’efficience des moyens choisis au regard des objectifs poursuivis. Mais cette appréciation reste en général la moins suivie parmi toutes celles que peut comporter l’avis.

Dans ce moment très stratégique au plan juridique, les saisines rectificatives permettent aussi la prise en compte de certaines remarques du Conseil d’État formulées en début de discussion, que le gouvernement accepte d’intégrer, nolens volens, mais qu’il ne souhaite pas voir apparaître dans l’avis final. On écrase, de fait, la version verte. Pratique pour les projets de loi dont les avis sont rendus publics depuis 2015 et qui pourraient nourrir les argumentaires de futurs contentieux. Ce qui n’est pas le cas des avis rendus sur les règlements et les ordonnances, marqués, eux, du sceau du secret. En principe.

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Club des acteurs publics

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