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“Favoriser le brassage interfonctions publiques pour diversifier profils et compétences”

Vice-présidents du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT), Hélène Guillet et Emmanuel Gros* réagissent aux mesures relatives à l’ouverture de la fonction publique récemment annoncées par Emmanuel Macron. Ils soulignent la spécificité de la territoriale et le besoin d’accompagner les trajectoires professionnelles des “top managers” des collectivités.

La création des concours “talents” annoncée par Emmanuel Macron le 11 février permettra-t-elle une avancée significative en matière d’ouverture de la fonction publique ?
Emmanuel Gros :
Le SNDGCT se félicite des premières annonces faites, qui vont dans le sens d’une plus grande ouverture, telle que nous la souhaitions, sans pour autant remettre en cause les acquis de la fonction publique territoriale au travers de l’Institut national des études territoriales (Inet), ainsi que nous l’avions exprimé au cours des travaux de la “mission Thiriez”. En effet, par la diversité des employeurs territoriaux, par la diversité des couleurs politiques – fruit du suffrage universel –, par l’existence de la voie d’accès par examen professionnel qui reconnaît la compétence acquise et pas simplement un parcours de formation, il n’y a pas de moule unique de pensée, et la diversité des profils est naturellement présente au sein de l’Inet. Elle peut néanmoins être améliorée. L’avancée que représente la mise en place du quota à l’entrée (entre 10 et 15 %) reste cependant modeste au regard du nombre réel de places réservées. Un autre intérêt de l’Inet tient au brassage entre les différents métiers administrateurs, ingénieurs en chef, conservateurs, qui ne se retrouve pas dans les autres grandes écoles de service public. Les propositions de concours “talents” ne le prennent malheureusement pas en compte en se limitant aux administrateurs. Il faudra nécessairement l’étendre car aujourd’hui on devient DGS bien au-delà du seul cadre d’emplois des administrateurs. Le brassage inter fonction publique serait un autre chantier bien plus ambitieux qui permettrait également de diversifier les profils et les compétences. L’annonce d’un module commun entre l’Inet et l’ENA va en ce sens, mais est loin d’être suffisante si la perméabilité des emplois n’est ensuite pas assurée.

Faut-il élargir le concours spécial annoncé pour les administrateurs territoriaux également aux catégorie A ? 
Emmanuel Gros :
À la différence de l’État, où les attachés sont formés en IRA [instituts régionaux d’administration, ndlr], ce qui pose la question de l’accès à ceux-ci, la fonction publique territoriale est accessible directement par concours au sortir du parcours diplômant, quel qu’il soit. Que ce soit pour les attachés ou pour les ingénieurs, tout le monde peut postuler au concours, et être nommé ensuite sur un emploi de niveau A en cas de réussite. Une suite annoncée du chantier “diversité” pourrait être de travailler sur le contenu des épreuves des concours de catégorie A, afin d’aller vers encore plus de professionnalisation et moins d’académisme, dont on sait que cela constitue un filtre culturel.

Pas de parachute doré pour ces directeurs et directrices, pas même l’ombre d’une amortie financière pour se donner le temps du rebond, avec parfois de fortes conséquences d’ordre privé.

Au-delà, alors que des mesures concernant le déroulement des carrières des hauts fonctionnaires seront évoquées en mars, comment garantir la carrière des directeurs généraux des services (DGS) au-delà des cycles électoraux ? 
Hélène Guillet :
La garantie de la carrière des DGS se pose sous plusieurs angles. Les fonctions de direction générale sont étroitement liées à l’exécutif – recruteur et employeur ; à ce titre, elles sont fondées sur un indispensable et incontournable lien de confiance. Si celui-ci vient à se rompre, et ce quelles qu’en soient les raisons, le ou la DGS n’a qu’une issue possible : organiser son départ dans les délais les plus brefs car les conditions ne sont plus réunies pour un exercice des responsabilités approprié. Il en va du respect de la légitimité des élus, il en va aussi de la compréhension du rôle et de la place d’une direction générale. Pour autant, la question de la trajectoire professionnelle, du déroulement de carrière ne peut pas être écartée. Cela suppose d’améliorer, favoriser, faciliter les possibilités de changement de niveaux de responsabilités, d’allers-retours public-privé, des passerelles inter-fonctions publiques sans que cela soit vécu ou perçu comme une rupture dans le parcours. Le SNDGCT joue un rôle important sur ces questions. Enfin, subsiste un sujet non réglé qui entre dans le champ de nos préoccupations : celui de la rémunération. Toutes les fonctions de direction générale, et ce quelle que soit la taille des structures, sont soumises à l’aléa de la “mobilité imposée” : lorsque cela se produit, pas de parachute doré pour ces directeurs et directrices, pas même l’ombre d’une amortie financière pour se donner le temps du rebond, avec parfois de fortes conséquences d’ordre privé, et même une chute des revenus qui peut atteindre jusqu’à 50 % de la rémunération. Est-ce bien raisonnable, est-ce bien respectueux de la fonction, est-ce dans l’intérêt de toutes les parties ? Nous pensons que non, le sujet est certes complexe, mais il mériterait que l’on s’y attarde. 

Justement, y a-t-il eu un fort renouvellement depuis les dernières élections municipales ? 
Hélène Guillet :
Les chiffres dont nous disposons pour le moment montrent que nous sommes dans un taux de renouvellement “dans la norme”, avec plusieurs tendances observées sur le mandat 2014-2020 qui se confirment. Tout d’abord, il n’existe plus de règles pour expliquer les changements en dehors d’un argument que l’on retrouve massivement : le lancement d’un nouveau mandat avec de nouvelles équipes. Ensuite, ces changements touchent toutes les strates de collectivité et les DGA [directeurs généraux adjoints, ndlr] sont de plus en plus dans ce mouvement. Il semble aussi que les séparations soient, globalement, moins violentes, plus respectueuses du droit et des individualités, mais cela reste à objectiver, et c’est ce que nous allons engager dans les semaines à venir. Enfin, dans les nouveautés de ce temps post-municipales qui semblent se dessiner, nous observons deux mouvements. Le premier, c’est que beaucoup de postes semblent pourvus avant même d’arriver sur le marché, et ce même dans les plus petites communes ; soit parce que les exécutifs se tournent vers des spécialistes de la chasse sans appel massif à candidatures, soit parce que se mettent en place des mises en relation de réseaux, parfois même à l’initiative des DGS en partance. Le deuxième, c’est le pas de côté des DGS qui, à la faveur de ces municipales, s’orientent vers des fonctions totalement différentes. Compte tenu du décalage du mercato du fait de la crise sanitaire, il est encore un peu tôt pour être très affirmative autour de ces questions, et cela reste à objectiver puis à analyser pour en tirer des tendances et nous aider dans l’ajustement de nos soutiens et actions à l’échelle du SNDGCT. C’est ce à quoi nous allons nous atteler dans les semaines à venir. Nous y verrons plus clair d’ici l’été. 

Est-il pertinent d’élargir le recours aux contractuels pour les DGS ? 
Emmanuel Gros :
L’ouverture au contrat pour les postes de DGS existait avant la loi de transformation de la fonction publique de 2019 pour les collectivités supérieures à 80 000 habitants. Dans les faits, peu de collectivités y avaient recours (de l’ordre de 10 %). Cette possibilité a été étendue aux collectivités de plus de 40 000 habitants. Nous n’avons cependant pas enregistré de mouvement significatif en ce sens à ce jour. Comme le SNDGCT le signalait au moment du débat, cette ouverture, plus idéologique que correspondant à une réelle attente, doit être mise en parallèle avec les compétences nécessaires pour occuper un tel poste. La gestion de la complexité, en lien avec des élus, est une caractéristique des cadres de la fonction publique territoriale.

Propos recueillis par Sylvain Henry 

* Emmanuel Gros est vice-président du SNDGCT en charge des enjeux de direction générale et management ; Hélène Guillet est vice-présidente du SNDGCT en charge des coopérations professionnelles. 

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