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Éric Lombard : “Il faut une intervention publique forte en direction des villes moyennes”

Dans un entretien accordé à Acteurs publics, le directeur général de la Caisse des dépôts détaille l’intervention de son institution dans le cadre du plan de relance, avec quelque 26 milliards d’euros injectés dans les territoires en faveur de la transition écologique, de l’habitat, du soutien aux entreprises et de la cohésion sociale. Il souligne la nécessité d’un traitement “vigoureux” en direction des villes moyennes et d’un appui renforcé à l’État décentralisé “parce qu’il a du talent”. La France vue de l’autre côté du périphérique “rend optimiste”, relève-t-il.

Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts.

Que révèle la crise actuelle sur les forces et les limites de notre modèle de gestion publique et sur le rôle de votre institution ?
La France s’est construite et fonctionne autour de son État. Cela s’est particulièrement manifesté depuis le mois de mars, avec une réponse forte tant pour contenir et faire reculer l’épidémie de Covid-19 que pour soutenir les personnes et les entreprises. La puissance publique a répondu aux attentes, mais certaines limites déjà connues ont aussi été mises en lumière, notamment le fait que l’État a du mal à ne pas agir de manière centralisée et homogène. Et cela alors même que cette crise a contribué à renforcer le fait régional : les régions se sont imposées comme des acteurs politiques et économiques de premier ordre et elles ont fait preuve d’efficacité. Les citoyens apprécient leur maire ; ils ont par ailleurs besoin d’un État qu’ils adorent critiquer ; le département est aujourd’hui parfaitement assimilé à l’action sociale ; la région était moins bien comprise dans son rôle et dans ses interventions. La crise a permis de mieux considérer les régions comme des acteurs de terrain puissants qui agissent en liaison avec l’État et les grands acteurs publics. Il me semble que c’est un fait nouveau. 

Avant la crise, beaucoup pointaient un État éloigné et distant des territoires. Avec la mise en exergue du binôme maire-préfet, il semble que la décision publique devienne plus agile et plus rapide. Qu’apporte cette évolution ?
Cette agilité est une avancée. Pour nous, elle s’incarne dans le programme “Action Cœur de ville”, dont nous avons fêté début septembre la troisième année [222 collectivités bénéficient de ce plan d’investissement lancé en décembre 2017 destiné à revitaliser les villes moyennes, ndlr]. Action Cœur de ville est une façon nouvelle et moderne de considérer l’action publique territoriale, qui donne un cadre et une boîte à outils aux élus locaux, avec une implication forte de l’État via l’Agence nationale de la cohésion des territoires et de la Banque des territoires. Depuis le lancement nous avons engagé 890 millions d’euros dans près de 2 000 projets. Je vois un véritable retour de l’aménagement du territoire et des grands programmes ciblés par typologies de territoires, dans le prolongement des interventions de l’ancienne Datar [la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale a œuvré entre 1963 et 2014, ndlr]. Il y a Action Cœur de ville, Petites villes de demain, qui sera lancé prochainement [lire notre article, ndlr], Territoires d’industrie, la politique des quartiers… Ces programmes sont insuffisamment portés dans le débat public, alors qu’ils sont très efficaces.

Maintenant que les régions et les métropoles ont gagné en puissance et en efficacité, il faut une intervention publique forte en direction des villes moyennes, qui se sont affaiblies.

Ces programmes que vous accompagnez interviennent-ils comme une réponse aux reproches formulés à l’endroit de l’État, dont les interventions dans les territoires ont fortement reculé depuis vingt ans, avec notamment la suppression de la Datar ?
La Datar était une réponse au livre Paris et le désert français*. À cette époque, Paris captait la richesse, le pouvoir et l’autorité. Il n’y avait pas de fait métropolitain, les petites villes commençaient à péricliter et concernant la politique des quartiers, nous étions en train de fabriquer le problème plutôt que de le traiter. Depuis, un rééquilibrage a été mené et le fait métropolitain est complètement ancré ; on reproche même aux métropoles, qui ont gagné une force de frappe économique puis politique considérable, de capter une part trop importante de la richesse dans les territoires.

Le temps serait donc au rééquilibrage entre métropoles et zones périurbaines et rurales ?
Maintenant que les régions et les métropoles ont gagné en puissance et en efficacité, il faut en effet une intervention publique forte en direction des villes moyennes, qui se sont affaiblies. Un traitement à la fois puissant et de fond est nécessaire. C’est l’enjeu du programme Action Cœur de ville, qui prouve aujourd’hui sa pertinence – je rends hommage à Jacques Mézard [ministre de la Cohésion des territoires en 2017-2018, ndlr], qui l’a porté fortement. Tous les programmes que j’évoquais disposent de fonds considérables, à l’image également de Territoires d’industrie, porté par des binômes régions-entreprises. Le secteur privé s’investit et c’est tant mieux, parce que l’action publique doit aujourd’hui se concevoir en synergie. 

Portée dans le débat public avant la crise, la loi “3D” (Décentralisation, Différenciation, Déconcentration) sera réajustée pour tenir compte du contexte nouveau. Est-ce l’occasion d’affirmer davantage la décentralisation, alors que nombre d’acteurs territoriaux reprochent à l’État une décentralisation non aboutie ?
Ce n’est pas ce que j’entends dans les territoires ! Pendant la crise, certains départements ont voulu s’associer à la politique économique, notamment aux fonds régionaux mis en place. Les préfets ont dû leur signifier que ce n’était pas dans leurs compétences. Ce n’était pas là une question de décentralisation insuffisante, mais plutôt de pouvoirs attribués à tel ou tel échelon. De leur côté, les régions ont montré qu’elles pouvaient exercer toute leur autorité et que l’État les soutenait et les accompagnait. Je pense qu’il ne faut pas toucher aux responsabilités entre les différentes strates. C’est davantage le fonctionnement de l’État qui doit être modifié. En tenant compte du poids des collectivités et de la demande des populations de davantage de proximité, l’État pourrait augmenter sa présence sur le terrain. 

On fait trop de réglementation et pas assez d’actions de terrain. C’est une question de dosage à revoir. Je suis d’autant plus à l’aise pour l’affirmer que cela ne relève d’aucun clivage politique.

La Caisse des dépôts a réorganisé son offre en direction du local en lançant, voilà deux ans, la Banque des territoires. Cette réorganisation est-elle “digérée” aujourd’hui pour apporter une réponse pleinement efficace à la crise actuelle ?
Nous avons lancé la Banque des territoires en mai 2018 et oui, cela fonctionne ! Depuis, nous avons injecté 35 milliards d’euros dans les territoires, que ce soit en prêt ou en investissement. Les retours de nos interlocuteurs sont positifs et en interne, les équipes sont incroyablement mobilisées. Sur le terrain, elles ont organisé près de 35 000 rendez-vous avec les clients. La Banque des territoires a su fédérer les offres historiques de la Caisse qui étaient destinées aux territoires. Nous avons à la fois inventé de nouveaux produits, comme les prêts de haut de bilan et les prêts participatifs pour les organismes de logement social, par exemple, et une nouvelle façon de les proposer. Il s’agissait pour nous d’une révolution organisationnelle et managériale, la Caisse étant jusqu’alors organisée en grandes directions travaillant en autonomie. Les équipes œuvrent désormais au service des territoires avec une interface unique et commune, la direction du réseau, qui fédère toutes les directions opérationnelles. La dynamique est forte avec, d’une part, un très bon patron, Olivier Sichel, qui fait parfaitement fonctionner l’ensemble et, d’autre part, des collaborateurs et délégués régionaux pleinement investis. L’agilité est très bien intégrée.

L’action publique semble privilégier depuis vingt ans une approche budgétaire et insuffisamment prospective et stratégique. Quelles réponses votre institution peut-elle apporter ?
Quand on se déplace dans les territoires, on constate que l’argent public est bien utilisé. Je garde en permanence deux chiffres en tête : le taux de pauvreté en France serait de 40 % sans les transferts sociaux ; il est de 14 % après transferts. L’argent public permet de soutenir le développement industriel, l’aménagement des villes, la formation des jeunes, le soutien aux personnes en situation de handicap ou dépendantes, etc. Bien sûr, on pourrait gérer l’action publique de manière plus efficace. Mais notre organisation publique est celle qui répond le mieux aux besoins et aux attentes des Français. Je suis souvent allé aux États-Unis dans le cadre de mes précédentes activités professionnelles : il y a certes moins de dépense publique, mais la situation dans les banlieues ou la vie des personnes les plus modestes sont bien plus difficiles. Au-delà de ce constat général, je pense qu’on fait trop de réglementation et pas assez d’actions de terrain. C’est une question de dosage à revoir. Je suis d’autant plus à l’aise pour l’affirmer que cela ne relève d’aucun clivage politique. Il faut davantage s’appuyer sur l’État décentralisé, parce qu’il a du talent ! 

Quand on va sur le terrain, ce n’est pas morose : les gens sont à la bataille ! Ils n’ont pas d’états d’âme et font face aux difficultés avec énergie.

Il faut donc davantage appuyer les initiatives et les intelligences locales sur celles de l’État territorialisé ?
Oui, parce que cela marche ! Beaucoup parlent d’une rentrée morose. Mais quand on va sur le terrain, ce n’est pas morose : les gens sont à la bataille ! Ils n’ont pas d’états d’âme et font face aux difficultés avec énergie. La France vue de l’autre côté du périphérique rend optimiste. 

La Caisse des dépôts apporte 26 milliards d’euros sur les 100 milliards du plan de relance. Quelle est votre méthode et quel est votre calendrier ?
Ce soutien de 26 milliards d’euros a été pensé pendant le confinement. Pour cela, nous avons organisé un comité exécutif par jour avec de nombreux sujets opérationnels. Nous nous sommes appuyés sur la digitalisation de notre institution, mise en œuvre depuis plusieurs années : plus de 90 % des effectifs ont pu être immédiatement en télétravail. Dans un premier temps, nous avons répondu aux urgences : le financement de la Sécurité sociale a été entièrement assuré à distance pour des montants massifs et certaines opérations ont été réalisées pour que les bénéficiaires de minima sociaux puissent retirer les fonds, début avril, aux distributeurs ; il y a eu le plan de soutien aux notaires et au logement social ; puis le plan de soutien au tourisme qui mobilise une enveloppe de 3,6 milliards d’euros d’ici 2024. Ensuite, après un mois de confinement, nous avons considéré que notre accompagnement serait nécessaire dans la durée et qu’il nous fallait revoir notre calendrier. Nous avons alors pris deux décisions : s’engager davantage que prévu et se concentrer sur des priorités qui n’étaient pas forcément les nôtres auparavant, particulièrement autour de la transition énergétique et écologique, du logement, etc. Nous avons ajusté notre feuille de route, documenté et chiffré nos interventions en lien avec les grandes organisations représentatives des entreprises et avec Bercy pour nous assurer que nous étions bien en phase avec ce que faisait l’État. Et cette intervention de 26 milliards d’euros que nous apportons totalement a été rapidement validée par notre gouvernance. Nos efforts sont recentrés sur 4 priorités : la transition énergétique et écologique, l’habitat, le soutien des entreprises et la cohésion sociale. Nous avons ainsi fortement modifié la trajectoire et la vitesse du bateau. 

Votre réaction a été plus rapide qu’en 2008, après la crise financière… 
Nous étions prêts grâce à une transformation numérique et managériale aboutie. Notre signature, “Ensemble faisons grandir la France”, et notre projet interne, “Grandissons ensemble” étaient déjà bien en place avec des équipes ayant appris à travailler en interaction et en coopération. Pendant le confinement, nous avons pu non seulement lancer et faire aboutir des sujets opérationnels, mais aussi poursuivre des chantiers de fond, notamment de transformation de nos systèmes d’information. Nous avons, par exemple, inauguré une ligne à très haut débit à Consolation-Maisonnettes, dans le Doubs : un projet intégralement mené pendant le confinement ! Je rappelle que notre institution est née d’une crise, en 1816, engendrée par les guerres napoléoniennes. Nous avons l’habitude de la gestion des crises. Nous avons une force de frappe financière et des équipes prêtes à utiliser immédiatement la lance à incendie. 

Je ne me réveille pas tous les matins en me demandant la manière dont je pourrais montrer notre indépendance.

Votre intervention dans le cadre du plan de relance est liée à des sujets de souveraineté. Quels sont les enjeux ?
Nous avons pu constater les “trous dans la raquette” en matière de masques, d’appareils respiratoires… Plus largement, on peut s’interroger : pourquoi la France a-t-elle laissé tomber son industrie pendant vingt ans ? Il y a eu un aveuglement collectif, alors que la puissance économique est basée sur l’industrie. Il y a aujourd’hui une volonté collective d’inverser le mouvement, mais il faudra de la constance et du courage. Le projet Territoires d’industrie, lancé voilà un an, y contribue et nous le portons à hauteur d’1 milliard d’euros. Nous soutenons par exemple la fabrication d’un avion à basse consommation conçu à Lacq, Pau et Tarbes et nous avons été très attentifs à ce qu’il soit fabriqué en France. Le fait que Tesla ait décidé récemment de construire une usine en Allemagne plutôt qu’en France a été perçu comme un choc. Nous devons êtes prêts à accueillir des projets rapidement en disant aux porteurs : “Vous êtes les bienvenus, nous allons vous faciliter la vie sur le plan administratif”. C’est l’un des enjeux du “pack rebond” à destination des Territoires d’industrie : j’étais avec les ministres Jacqueline Gourault et Agnès Pannier-Runacher [respectivement ministre de la Cohésion des territoires et ministre déléguée à l’Industrie, ndlr] en juillet à Chalon-sur-Saône, lors de son lancement. Nous appuyons cette volonté de relocaliser dans nos territoires des activités stratégiques. Il n’y a pas d’économie sans industrie et les industries ne peuvent vivre et se développer sans l’appui des territoires. 

Votre institution est autonome, sous le contrôle du Parlement. Dans le contexte actuel, est-il nécessaire de revoir son statut et sa gouvernance ?
La Caisse des dépôts est sous la protection du Parlement. Sa gouvernance a été revue à l’occasion de la récente loi Pacte [loi de mai 2019 qui a transformé la commission de surveillance de la Caisse des dépôts en organe délibératif composé pour majorité de parlementaires, ndlr] et il ne me semble pas nécessaire de la revoir. La gouvernance relève d’une question de statut, mais aussi de personnes. Mon principe, c’est de travailler en coopération avec l’État. Les textes nous confient un rôle d’accompagnement des politiques publiques et nous le faisons lorsqu’elles sont dans notre savoir-faire, dans notre mandat et validées par notre commission de surveillance. Mais nous ne pouvons pas intervenir sur tous les sujets. Lorsque nous soutenons le programme Action Cœur de ville, nous n’abdiquons pas notre indépendance alors qu’il s’agit de venir en soutien à des territoires en difficultés. Il faut travailler avec, et pas contre : je ne me réveille pas tous les matins en me demandant la manière dont je pourrais montrer notre indépendance. Je me demande plutôt comment contribuer à l’effort collectif. Mais nous restons bien sûr autonomes. Les pouvoirs publics sont très respectueux de cela. Chacun dans son rôle. 

Vos capacités financières sont-elles sans limites, alors que des chantiers “lourds” vont revenir, tels que ceux des retraites ou de la dépendance ?
Il y a deux dimensions dans votre question. La dimension opérationnelle tout d’abord : nous sommes réactifs et efficaces, capables par exemple de construire le site Moncompteformation en vingt et un mois – il fait aujourd’hui l’objet de 33 millions de comptes ouverts et nous allons fêter son premier anniversaire en novembre. Nous pouvons êtes opérateur de l’État, à condition que ce soit organisé, avec un calendrier et des budgets. Ainsi, nous gérons 20 % des retraites des Français et nous sommes en mesure de gérer d’autres régimes dans le respect de la loi. Il a pu arriver qu’une administration nous propose de prendre en charge la gestion de tel processus, mais que nous ne soyons pas en capacité de le faire faute de ressource. Par ailleurs, il y a une dimension financière, qui est très simple : depuis la loi Pacte, le modèle de solvabilité européen s’applique à nous et se cumule à notre propre supervision financière interne. Nous avons de l’ordre de 50 milliards d’euros de fonds propres, ce qui définit notre capacité d’investissement. Cette capacité n’est donc pas infinie : nous proportionnons notre niveau d’investissement à notre niveau de fonds propres et veillons à rester une institution au bilan solide. 

Concernant les retraites, faites-vous une offre de services à l’État ?
Nous gérons déjà le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, la CNRACL, ainsi que celui des agents non titulaires, l’Ircantec, et celui de la Banque de France. On peut en gérer d’autres si c’est profitable à tous. Nous l’avons dit à l’État, et cela de manière distincte du sujet de la réforme des retraites. La gestion opérationnelle des régimes est différente de la question des règles qui s’appliquent aux salariés, fonctionnaires et retraités. On peut avoir un régime unique et beaucoup d’organismes gestionnaires. Et on peut avoir des dizaines de régimes pour un seul organisme gestionnaire. Nous répondrons présent si nécessaire. 

La forte augmentation des dépôts sur le livret A élargit-elle votre capacité d’action ?
Le livret A est géré dans une enveloppe particulière, les fonds d’épargne, qui a augmenté de 30 milliards d’euros depuis mars dernier. Cette augmentation nous ouvre la possibilité de prêter davantage et dans des conditions plus dynamiques. Cette épargne supplémentaire sera bien utilisée au profit des Français, d’autant plus que le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance [Bruno Le Maire, ndlr] nous autorise à élargir son emploi. Ainsi, en plus des 26 milliards d’euros de contribution au plan de relance, nous avons prévu de prêter 70 milliards d’euros dans les années à venir. 

Quels projets nouveaux allez-vous porter dans les mois à venir ?
Nous allons lancer des sociétés foncières pour porter les commerces de centres-ville. Dans les villes moyennes, les commerces anciens sont souvent de petite taille et il faut souvent agréger 2 ou 3 boutiques pour ouvrir un nouvel établissement. Cela complique les choses entre reprise du bail, restructuration des locaux, travaux… Nous préparons un soutien financier pour porter les murs en lien avec les collectivités locales. Autre projet : Urby, un dispositif de logistique urbaine qui s’appuie sur une mutualisation des livraisons, que nous soutenons avec La Poste pour favoriser des mobilités douces dans le transport de biens. Cela fait partie des enjeux de demain et cela s’inscrit dans les problématiques de transition durable. 

Propos recueillis par Sylvain Henry 

* Ouvrage de Jean-François Gravier publié en 1947.

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