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Dialogue de sourds entre le Sénat et le gouvernement sur la haute fonction publique

Comme en commission, les sénateurs ont rejeté leur propre proposition de loi relative à la ratification de l’ordonnance du 2 juin dernier de réforme de la haute fonction publique. Le gouvernement a dénoncé une “opposition stérile” et un manque de propositions de leur part. Plus que le fond de la réforme, les parlementaires ont pointé la méthode choisie par le gouvernement pour réformer l’encadrement supérieur de l’État.

La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin.

Très attendu, le débat au Sénat sur la réforme de la haute fonction publique a finalement tourné au dialogue de sourds mercredi 6 octobre. Les échanges furent en effet tendus entre les sénateurs et le gouvernement à l’occasion de l’examen en séance de la proposition de loi déposée par 6 poids lourds du Sénat et visant à permettre l’examen de la ratification de l’ordonnance du 2 juin de réforme de l’encadrement supérieur de l’État. 

Comme en commission des lois le 29 septembre, ce texte (et donc la ratification) a été rejeté par les sénateurs. Précisément par 225 voix (LR, PS et CRCE, à majorité communiste) contre 32 (RDPI, à majorité LREM, et la majeure partie des Indépendants). L’objectif des sénateurs avec cette proposition de loi était clair : contraindre l’exécutif à un débat sur sa réforme, celui-ci n’ayant pas inscrit son projet de loi de ratification à l’ordre du jour du Parlement.

“Nous ne pouvons pas donner un blanc-seing au gouvernement”, a répété en séance la rapporteure LR du texte, Catherine Di Folco, en pointant un manque de visibilité sur l’application de la réforme, mais aussi une “incertitude juridictionnelle” née des différents recours déposés par des associations et syndicats de hauts fonctionnaires. D’où le rejet de la proposition de loi par leurs propres auteurs… Un fait rare que la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, n’a pas manqué de (re)pointer du doigt.

“Cette réforme est irréversible, a-t-elle défendu. Il est étonnant et inédit d’inscrire à l’ordre du jour une ratification pour la rejeter, le gouvernement était prêt à un débat en profondeur.” “Mais quelle est votre vision ? Vous ne déposez aucun amendement, a-t-elle ensuite lancé aux sénateurs. Je vois là une alliance contre-nature et sans vision, destinée à ne rien changer, en opposition stérile au gouvernement.” Amélie de Montchalin répondait aux propos critiques tenus quelques minutes plus tôt par le président du groupe LR au Sénat et coauteur du texte, Bruno Retailleau. Un discours au cours duquel l’élu de droite est revenu sur les déclarations de la ministre en amont de la séance.

“Le Sénat nous offre un très triste spectacle. C’est un naufrage parlementaire et politique. Il a choisi d’organiser une confrontation mais a oublié de faire des propositions”, avait souligné Amélie de Montchalin dans une interview au Figaro. “Vos propos sont une insulte pour la représentation nationale, lui a rétorqué Bruno Retailleau. Savez-vous ce qu’est un naufrage, comme vous dites ? Un gouvernement qui rejette jusqu’au débat. Un gouvernement qui se défausse de ses responsabilités sur la haute fonction publique dont elle fait un bouc émissaire.”

“Le gouvernement fait la loi en dehors du Parlement”, a ajouté Bruno Retailleau. Plus que le fond de la réforme de la haute fonction publique, c’est en effet la méthode choisie par le gouvernement (légiférer par voie d’ordonnance) qui était dans le viseur des sénateurs. Ces derniers mois, pour rappel, ceux-ci ont entrepris plusieurs démarches pour tenter de reprendre la main face à la pratique (désormais courante) des ordonnances.

“Abus d’ordonnances” 

“D’abord, il y a abus d’ordonnances. Ensuite, il y a carence de ratification. Cela fait beaucoup. Nous voulons mettre un coup d’arrêt à cette pratique abusivement utilisée”, a affirmé Philippe Bas (LR), rejoint par son homologue de gauche Patrick Kanner. “Tout semble urgent à ce gouvernement. Il a raison, tout seul, contre tout le monde, a raillé le président du groupe socialiste au Sénat. Cette réforme n’aurait-elle pas mérité quelques semaines de débats ?” 

“Si cette réforme est irréversible et que l’une des deux assemblées s’y est opposée, continuer comme si de rien n’était serait profondément antirépublicain”, a abondé son collègue du PS Jean-Pierre Sueur. Également coauteur de la proposition de loi sénatoriale, celui-ci en a aussi profité pour (re)demander au gouvernement s’il entendait inscrire son propre projet de loi de ratification à l’ordre du jour du Parlement. Et ainsi permettre à l’Assemblée nationale de “débattre à son tour” de la réforme de la haute fonction publique. “Ou choisira-t-il de ne donner aucune suite à la prise de position du Sénat ?” a interrogé Jean-Pierre Sueur. 

Pas de réponse d’Amélie de Montchalin. L’exécutif, en effet, n’a toujours pas prévu d’inscrire son projet de loi de ratification à l’ordre du jour parlementaire. À six mois de l’élection présidentielle, le calendrier devient de plus en plus serré. De quoi alimenter, encore un peu plus, la grogne des sénateurs.

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