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Derrière le débat sur les ordonnances, un malaise institutionnel

Le Sénat a voté un texte visant à réaffirmer les droits du Parlement face au poids des ordonnances. Le signe d’un système institutionnel essoufflé dans un processus de la décision publique marqué par de profondes évolutions.

Un système de moins en moins accepté. Le Sénat dominé par l’opposition de droite a adopté cette semaine en première lecture une proposition de loi constitutionnelle visant à réaffirmer les droits du Parlement “malmenés par l’abus d’ordonnances”. Pour rappel, la procédure des ordonnances permet au gouvernement de demander au Parlement l’autorisation de prendre lui-même des mesures relevant normalement du domaine de la loi.  

Le texte vise à prévoir formellement dans la Constitution que “la valeur législative” d’une ordonnance ne peut être acquise que par sa ratification par le Parlement. Jusqu’à cette ratification “elles conservent valeur règlementaire”. Le texte fait suite à des décisions récentes du Conseil constitutionnel tendant à donner un statut législatif à des ordonnances non ratifiées.  

À six mois de l’élection présidentielle, la proposition de loi n’a aucune chance de passer le filtre de l’Assemblée nationale qui a toujours le dernier mot et où dominent les partisans du Président de la République. Mais il vient rappeler que certaines procédures de la Ve république ne font plus consensus. Que cette initiative vienne des rangs du Sénat dominé par la droite – courant traditionnellement très conservateur sur l’héritage du général de Gaulle – montre que les esprits évoluent. Lentement mais sûrement.  

Au-delà du recours croissant aux ordonnances, c’est leur maniement qui fait débat. Seules 21 % des ordonnances publiées au cours du quinquennat d’Emmanuel Macron ont été ratifiées a posteriori par le Parlement, selon le sénateur Philippe Bas (LR). En comparaison, le taux de ratification s’élevait, à la même période, à 62 % pour le quinquennat de Nicolas Sarkozy et à 30 % pour celui de François Hollande.  

Le recours croissant aux ordonnances couplé à l’instauration du régime d’état d’urgence en vigueur la moitié du temps depuis les attentats terroristes de 2015 (deux procédures d’exception) accentuent la primauté de l’exécutif sur le législatif que la Constitution de 1958 a déjà consacrée. Le raccourcissement du temps politique et l’augmentation du nombre de lois votées au pas de charge dans les hémicycles vient reposer la question de la place du Parlement dans le processus de la décision publique.

Affaibli, le Parlement donne lui-même parfois le sentiment d’avoir intégré cette marginalisation, au point d’une déresponsabilisation. Ainsi, la participation de la seule moitié des députés au vote sur les dispositifs de prolongation du passe sanitaire cet automne, démontre une certaine lassitude au-delà d’un simple malaise sur ce texte sensible. Elle illustre aussi l’ambiguïté autour des missions du Parlement : voter la loi et l’évaluer. À défaut d’avoir les moyens de faire correctement les deux, les parlementaires risquent de se replier encore davantage dans les territoires et d’accentuer leurs interventions sur le terrain auprès de leurs administrés, avec toujours plus d’arrière-pensées électoralistes. Le danger est là.

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