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Arrêts maladie : la Cour des comptes appelle à serrer la vis dans la fonction publique

Face à une “tendance haussière”, des actions “résolues” doivent être entreprises pour “limiter” les arrêts maladie de courte durée, explique la Rue Cambon dans un rapport publié ce jeudi 9 septembre. Le total des arrêts maladie correspond à l’activité annuelle de 240 000 à 250 000 agents, engendrant un coût de quelque 11 milliards d’euros.

Le sujet est sensible et (souvent) propice à de nombreux raccourcis mais il est urgent que l’État le prenne à bras-le-corps, selon le Cour des comptes. “L’enjeu de la maîtrise des arrêts maladie est d’une telle importance pour la qualité du service public, à de nombreux égards, pas seulement financiers et fonctionnels, que la mobilisation des pouvoirs publics, qui s’amorce, doit être renforcée”, souligne la Rue Cambon dans un rapport publié jeudi 9 septembre et consacré à la rémunération des agents publics en arrêt maladie [cliquez ici pour consulter ce rapport]. Un sujet intrinsèquement lié à la problématique de l’absentéisme dans la fonction publique.

Le constat de l’institution est en effet sans appel : les arrêts pour maladie connaissent une croissance “régulière” et “soutenue” dans la fonction publique. Le nombre de jours d’absence pour raisons de santé a ainsi “progressé de 21 %” entre 2014 et 2019, passant de 10 à 12 jours en moyenne par agent. Ce qui représente quelque 11,9 millions de jours d’arrêt supplémentaires, explique la Cour dans son rapport, commandé par la commission des finances de l’Assemblée nationale

“Cette situation tient tout autant à des sociologies différentes dans chacun des trois versants de la fonction publique qu’à des facteurs très divers, tels que la part des emplois contractuels, la taille des structures ainsi que les régimes d’indemnisation des arrêts maladie, affirme la Rue Cambon. La qualité du management et la satisfaction au travail expliquent aussi d’importantes variations.” 

Chiffrages imprécis 

Dans leur rapport, les magistrats financiers proposent surtout une évaluation de l’impact des arrêts maladie des agents publics. Selon les données issues de l’enquête “Emploi” de l’Insee, le total des arrêts maladie correspond ainsi à l’activité annuelle de 252 000 équivalents temps plein (ETP) et à un coût de l’ordre de 11,9 milliards d’euros. À partir des bilans sociaux, l’estimation s’élève respectivement à 241 000 ETP et à 11,1 milliards d’euros. 

Ces données doivent être prises avec des pincettes toutefois selon la Cour des comptes : “Ces chiffrages sont imprécis et probablement supérieurs aux montants effectifs en raison de la méthodologie de calcul retenue, basée sur un maintien intégral de la totalité du salaire ce qui n’est pas toujours le cas.” Aussi aurait-il fallu mesurer la dépense budgétaire nécessaire pour assurer le remplacement des agents absents. Ce à quoi la Rue Cambon n’est pas parvenue faute de données fiables. Elle appelle ainsi les employeurs à améliorer leurs outils de collecte des données sociales portant sur les arrêts maladie. 

Dans son rapport, elle pointe aussi des “règles complexes” de rémunération des arrêts maladie, qui diffèrent notamment entre les agents titulaires et les agents contractuels. À noter que le taux de remplacement dépend aussi du versant, de la répartition entre les parts indiciaire et indemnitaire…

Modulation indemnitaire 

Outre un appel à améliorer les processus de gestion des arrêts, la Rue Cambon préconise surtout des actions pour “infléchir l’évolution des arrêts de courte durée” et donc limiter leur nombre. “De par leur caractère massif”, ces absences “sont les plus perturbantes pour le fonctionnement des services”, développe-t-elle.

L’institution tient toutefois à affirmer que les mesures de responsabilisation financière des agents et de meilleure organisation des contrôles “ne sauraient suffire à infléchir la tendance actuelle” : “la responsabilisation managériale des cadres publics est également déterminante tout comme celle des professionnels de santé” ainsi que le renforcement des actions de prévention. 

Il n’en demeure pas moins que la Cour appelle à “activer” – voire réactiver – des dispositifs d’incitation financière “en complément” des dispositifs existants, et notamment le jour de carence. En ce sens, elle recommande notamment de recourir à la modulation indemnitaire lorsque la fréquence des arrêts maladie est “trop élevée” ou les justificatifs infondés. 

Pas de consensus sur l’efficacité du jour de carence 

Les magistrats financiers ont effet profité de leur rapport pour revenir sur l’influence du jour de carence sur la fréquence des arrêts maladie de courte durée. Réintroduit dans la fonction publique en 2018, ce jour de carence avait été mis en place à la fin de la Présidence Sarkozy (entre 2011 et 2014), puis supprimé par l’équipe Hollande en 2014. 

Si ce dispositif est source d’économies (de l’ordre de 114 millions à 159 millions d’euros dans la fonction publique d’État au cours des trois dernières années et de 124 millions d’euros dans la territoriale en 2018), les études statistiques “peinent” toujours à “faire émerger un consensus” sur son efficacité. Ces études, relate en effet la Cour, “tendent à reconnaître que le jour de carence diminue les arrêts de courte durée dans la fonction publique, conformément à son objectif, même s’il peut en contrepartie allonger la durée des arrêts”. 

La Rue Cambon appelle également à faire cesser certaines pratiques (non quantifiables) employées par des employeurs publics pour limiter les effets du jour de carence. L’institution cite le cas de chefs de service qui accorderaient, à la demande des agents, des congés a posteriori en lieu et place d’un congé maladie, mais aussi d’agents qui poseraient des jours de congés ou de RTT plutôt qu’un arrêt de courte durée.

Les recommandations de la Rue Cambon 
• Définir des indicateurs harmonisés communs aux trois versants de la fonction publique pour mesurer les absences pour raisons de santé dans le cadre des travaux de structuration des bases de données sociales
• Mettre en place un seul congé de maladie longue durée, en remplacement des congés de longue durée et de longue maladie
• Ne retenir qu’un avis médical (comité médical ou médecin conseil) pour qualifier l’arrêt de travail pour les agents contractuels de la fonction publique
• Étendre aux dossiers des agents publics la transmission dématérialisée des avis d’arrêt de travail par les médecins
• Transmettre aux caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) la totalité des données concernant les arrêts maladie des agents publics dans le cadre de la déclaration sociale nominative (DSN)
• Prévoir la transmission obligatoire du “volet 1” des avis d’arrêt maladie des agents publics aux CPAM à des fins d’exploitation statistique annuelle à destination des employeurs.
• Pour les arrêts maladie de courte durée, responsabiliser les gestionnaires publics dont les services connaissent des taux anormaux de congés maladie et utiliser les possibilités de modulation indemnitaire pour tenir compte de la fréquence des arrêts. 
• Améliorer le dispositif de santé au travail des employeurs publics en rationalisant les modalités de saisine des futurs conseils médicaux et l’organisation de la médecine de prévention

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